29 mars 2012

Séance de rattrapage.

La Dame en noir (The Woman in Black), de James Watkins.
Aloïs Nebel, de Tomas Lunàk.
Les Adieux à la Reine, de Benoît Jacquot.

            Ayant choisi d’aller passer du bon temps pendant quelques jours au pays des bovines de Bourgogne, j’ai quelque peu perdu de vue l’actualité cinématographique de ces dernières semaines. D’où cette séance de rattrapage pour laquelle j’ai choisi trois films, non pas arbitrairement, mais en appliquant la technique dite « du camembert » qui me réussit assez bien pour les livres (que l’on peut feuilleter et parcourir, il est vrai, contrairement aux films).

            Le principe en est simple, qui m’a été enseigné il y a bien longtemps par mon fromager préféré : considérer d’abord l’ensemble du stock de camemberts (obligatoirement au lait cru), puis bien examiner la croûte qui doit être blanche et relativement unie (ni marron, ni trop plissée), renifler l’objet dont les fragrances ne doivent pas être agressives, tâter soigneusement la pâte qui sera souple et onctueuse aussi bien sur les bords qu’en plein cœur. Avec un peu de pratique, il arrive bien sûr que l’on se trompe, mais assez rarement.

25 mars 2012

Une valse entre deux ponts.

Edition en DVD de Waterloo Bridge (La Valse dans l’ombre), de Mervyn LeRoy (1940), avec en complément Waterloo Bridge, de James Whale (1931), Wild Side Video.

            Poursuivant son excellent travail d’édition, Wild Side Video propose après The Story of G.I. Joe, de William Wellman, dont j’ai parlé voici peu, La valse dans l’ombre, de Mervyn LeRoy (Waterloo Bridge, 1940), là encore dans une très belle copie qui rend pleinement justice au travail exceptionnel de l’immense chef-opérateur Joseph Ruttenberg, un maître des éclairages en noir et blanc. Mais l’intérêt de cette édition tient aussi, et peut-être surtout, à ce qu’elle permet de découvrir en complément la première, et très peu connue, version du film, réalisé en 1931 par James Whale, avec Mae Clarke et Douglas Montgomery (crédité sous le nom de Kent Douglas).

20 mars 2012

"Factuel, sans fards, authentique"

Edition en DVD de The Story of G.I. Joe, de William Wellman (1945), Wild Side Video.

            Les éditions Wild Side Video proposent dans leur collection “Classics confidential”, qui réunit un choix de films américains rares, peu connus et sortant de l’ordinaire, une belle copie restaurée du film de William Wellman, The Story of G.I. Joe (1945) qu’accompagne un livret (c’est le principe de la collection : DVD + livret) rédigé par Michael Henry Wilson, pilier de la revue Positif et sans doute un des meilleurs connaisseurs du cinéma américain, qui retrace l’histoire du film et évoque la personnalité et l’œuvre de Wellman dont j’ai déjà parlé et dont, rassurez-vous, je parlerai encore.

16 mars 2012

Une trilogie de la folie criminelle.

Sur trois films de John Brahm.

            Curieuse carrière que celle de John Brahm dont la Cinémathèque vient de projeter voici peu le très bon Hangover Square (1945). Né en Allemagne en 1893 sous le nom de Hans Brahm et mort en 1982, homme de théâtre ayant fui le nazisme comme tant d’autres via la France et l’Angleterre où il réalisa un remake du Lys brisé de Griffith (Broken Blossoms, 1936), il a ensuite mené à Hollywood une carrière assez terne, se consacrant notamment à de célèbres séries de télévision (Twilight Zone, Alfred Hitchcock Presents, et beaucoup d’autres).

            Cependant, au cœur de cet anonymat, pour ainsi dire coup sur coup sur une période de temps très réduite,  il a réalisé deux films majeurs, Jack l’Eventreur (The Lodger, 1944) et Hangover Square (1945), et un troisième, moins réussi mais intéressant dans sa complexité, Le Médaillon (The Locket, 1946)  --  sorte de trilogie de la folie criminelle à laquelle il faudrait peut-être ajouter (au risque de la déception) Guest in the House, inédit en France, film en partie réalisé par André de Toth et terminé par Lewis Milestone.

12 mars 2012

Whooosh! Crash! Bong!

John Carter, de Andrew Stanton (2011).

            Pourquoi le taire et nourrir je ne sais quelle fausse honte : j’avais grande envie de voir ce John Carter, adapté d’une série de romans de Edgar Rice Burroughs (célèbre pour être le « père » littéraire de Tarzan), d’abord parce que, vieux gamin monté en graine, j’aime bien ce type de récit un peu hybride, ni tout à fait science-fiction, ni tout à fait heroic fantasy mais qui mêle genres, époques et technologies bizarres (on retrouve ici une pincée de western et un récit à la Jules Verne) et flirte avec ce qu’on  appelle le steampunk.

8 mars 2012

Tendu, brutal et inattendu.

Réédition de Pickup on South Street (Le Port de la drogue), de Samuel Fuller (1953).

            On peut assurément considérer aujourd’hui Samuel Fuller comme un des grands cinéastes américains des années d’après-guerre mais aussi comme un des plus mal connus du grand public. Il faut dire que l’essentiel de sa carrière s’est déroulé sur à peine une quinzaine d’années, de 1949 (I Shot Jesse Jame/J’ai tué Jesse James) à 1964 (The Naked Kiss/Police Spéciale), avec souvent des films aux budgets modestes et rarement interprétés par des vedettes de premier plan. Fuller lui-même n’a jamais rien fait pour arranger les choses : éternelle rebelle, grande gueule, inclassable, à la fois anarchiste de droite et libertaire, assez semblable à un Wellman mais carrément en marge du système, il aura été le roi de la démesure et de l’originalité, brisant avec jubilation toutes les règles hollywoodiennes. Il en a aussi payé le prix : des films souvent à part, pas toujours bien distribués, et une carrière qui tourne rapidement court  --  après 1964 et jusqu’à sa mort en 1997, il ne réalise que six films (six en trente-trois ans !) dont deux seulement méritent d’être sauvés (The Big Red One/Au-delà de la gloire, en 1980, et White Dog/Dressé pour tuer, en 1982).

5 mars 2012

Le jour et l'heure de René Clément.

Réédition de Quelle joie de vivre, de René Clément (1961).

            La réédition en copie neuve et version originale (c'est-à-dire en italien) de Quelle joie de vivre, un dossier que lui consacre la revue Positif [1], une rétrospective à l’Institut Lumière de Lyon [2] et un copieux livre publié en 2008 [3]  : serait-ce enfin le jour et l’heure de René Clément ?

            Né en 1913 et mort en 1996, René Clément occupe une place à part dans le cinéma français dans la mesure où, situation paradoxale, il n’appartient pas tout à fait à la fameuse tradition de la qualité française mais sans en être tout à fait étranger. Aussi a-t-il subi les attaques des jeunes turcs de la critique des années 50 et futurs cinéastes de la Nouvelle Vague bien que son nom et les titres de quelques-uns de ses films n’apparaissent qu'en passant et sans insister dans le célèbre et combien injuste article de François Truffaut « Une certaine tendance du cinéma français », publié dans le numéro 31 des Cahiers du cinéma, en janvier 1954.

2 mars 2012

Reconstructions.

Extrêmement fort et incroyablement près, de Stephen Daldry (2011).
Martha Marcy May Marlene, de Sean Durkin (2011).

            On peut sans doute adresser bien des reproches à Stephen Daldry, mais assurément pas celui de manquer d’ambition dans ses entreprises d’adaptations littéraires. Après Les Heures, de Michael Cunningham (Prix Pulitzer 1999) et Le Liseur, de Bernhard Schlink, l’un et l’autre assez périlleux à adapter, il s’attaque aujourd’hui à un roman réputé foisonnant, et que je dois avouer ne pas avoir lu, de Jonathan Safran Foer, poids lourd de la jeune littérature américaine, après avoir semble-t-il renoncé aux Corrections, de Jonathan Franzen, autre poids lourds de la même jeune littérature américaine, mais nourrissant aujourd’hui le projet d’une adaptation d’un autre roman lui aussi très foisonnant et récompensé par un Prix Pulitzer (en 2001), Les Aventures de Kavalier et Clay, de Michael Chabon, lui aussi poids lourd de la toujours même jeune littérature américaine. Mais peut-être faut-il surtout voir derrière l’ambition du cinéaste celle de ses différents producteurs, Anthony Minghella (dont on connaît le goût pour les adaptations difficiles, du Patient anglais à Retour à Cold Mountain) et Sydney Pollack [1] pour The Reader (2008) et Scott Rudin pour Les Heures (The Hours, 2003) et tous les autres films, y compris ses projets avortés ou non.

27 février 2012

Extrêmement vache(s) et incroyablement bon(s).

Bovines, d’Emmanuel Gras
Bullhead, de Michael R. Roskam.

            J’aime beaucoup les vaches. Je les fréquente d’ailleurs quelques semaines par an, sur leurs terres si j’ose dire, dans le Charolais bourguignon. Emmanuel Gras, auteur jusqu’ici de quelques courts métrages, a préféré, lui, rencontrer ses Bovines du côté du Calvados.
Mais qu’importe le terroir pourvu qu’on les retrouve, ces vaches, telles qu’en elles-mêmes enfin l’éternité les change. Car, sans vouloir pécher par excès de grandiloquence, c’est bien de cela qu’il s’agit : d’une forme de permanence mêlée de sérénité dont peu de choses peuvent troubler l’ordonnance des jours  --  le départ d’une d’entre elle, la séparation d’avec leurs veaux.

24 février 2012

Un cheval nommé Joey.

Cheval de guerre (War Horse), de Steven Spielberg.

            Steven Spielberg, le cinéaste qui filme plus vite que son ombre pourrait-on dire tant il est vrai que ce réalisateur hyperactif, homme de cinéma par excellence, enchaîne film sur film, initie et accumule de multiples projets (comme producteur, scénariste voire acteur), multiplie les interventions parfois là où on ne l’attend pas, semblant ne devoir jamais prendre de repos. Rien de ce qui est cinématographique ne lui est étranger et c’est dès l’adolescence qu’il s’est affronté à la pellicule [1], et cette passion juvénile ne l’a jamais quitté. Aussi ne faut-il pas s’étonner de le voir s’intéresser, en grand gamin toujours avide de nouveauté, à toutes les technologies contemporaines qui peuvent faire avancer le cinéma  --  quitte à en revenir parfois.

22 février 2012

Le cinéaste et l'ami des ouvriers.

Octobre, de Sergei Mikhailovich Eisenstein (1928).

            Il faut une fois encore saluer l’excellent travail d’Arte qui a diffusé la semaine dernière Octobre, de S.M. [1] Eisenstein dans une splendide copie restaurée par le Film Museum de Munich. Le film était à l’origine une commande pour les célébrations du dixième anniversaire de la révolution soviétique, mais en dépit de ses efforts et du fait qu’il dut le remanier pour en supprimer un certain nombre de protagonistes tombés en disgrâce (dont Trotski), Eisenstein ne put respecter le calendrier et Octobre ne fut projeté pour la premier fois à Moscou que le 14 mars 1928. Mal reçu dans l’ensemble, et notamment par le public ouvrier dérouté par le caractère jugé trop intellectuel de l’œuvre, Octobre fut finalement taxé de « formalisme » et mis sous le boisseau, sinon censuré.

19 février 2012

Voie sans issue.

Reprise de Five Easy Pieces, de Bob Rafelson (1970).
            Le «vieux» cinéma hollywoodien n’étant plus et le nouvel Hollywood n’étant pas encore, il y eut un court moment entre le milieu des années 60 et le début des années 70 où un groupe de jeunes cinéastes estima possible d’ouvrir une nouvelle voie pour un cinéma américain fait de rupture et de contestation. Bob Rafelson (né en 1935), dont on peut revoir aujourd’hui Five Easy Pieces, en faisait partie.

16 février 2012

Avec mesure et retenue.

Notes sur William Wellman et le western.
            La réédition de La Ville abandonnée (Yellow Sky, 1948), la diffusion l’été dernier au « Cinéma de minuit » de FR3 de Track of the cat, la projection très récente à la Cinémathèque de L’Etrange incident (The Ox-Bow Incident)  --  autant d’occasion pour redécouvrir les westerns de William Wellman dont j’ai déjà dit ici-même combien il me paraissait être un cinéaste injustement sous-estimé aujourd’hui.

11 février 2012

En de douteux combats.

La Taupe (Tinker, Taylor, Soldier, Spy), de Tomas Alfredson.
            « Il avait perdu sa magie », écrit de son personnage principal (un comédien), Philip Roth à l’ouverture de son dernier roman Le Rabaissement [1]. Perdre sa magie, son élan, n’est-ce pas ce qui menace un jour ou l’autre tout artiste, acteur, cinéaste, peintre, écrivain, que sais-je encore ? La sortie du film de Tomas Alfredson La Taupe nous rappelle à point nommé que la formule imaginée par Roth (à sa propre intention ?) convient admirablement à John Le Carré, l’auteur du livre à l’origine du film, qui, depuis un peu plus de vingt ans maintenant, semble avoir perdu ses repères. De l’habileté, du métier, du savoir-faire, une inspiration parfois encore heureuse ici ou là, admettons; mais de magie, point, sans doute disparue du côté de Berlin, avec les débris du Mur, en 1989 ou peut-être un peu plus tard.

9 février 2012

Un expressionnisme burlesque.

La Poupée (Die Puppe), de Ernst Lubitsch (1919).
            La belle surprise que voilà ! Une rareté [1] d’Ernst Lubitsch datant de 1919 et qu’Arte (la seule chaine de télévision à proposer régulièrement, mais à des heures tardives, des films muets) vient de diffuser dans une splendide copie teintée restaurée par la Friedrich-Wilhelm-Murnau-Stiftung dont je me permets de souligner ici l’importance du travail depuis bien des années maintenant. C’est grâce aux efforts infatigables de cette fondation que l’on sait aujourd’hui, à force de reconstruction et de restauration des grandes œuvres du cinéma allemand muet, que de 1918 à 1930, l’effervescence créatrice et l’inventivité technique, c’était alors du côté de l’Allemagne qu’il fallait aller les chercher.

6 février 2012

Casanova dans tous ses états.

            La Bibliothèque Nationale de France, site Mitterrand, présente jusqu’au 19 février une exposition d’un grand intérêt consacrée à Giacomo Casanova. Juste de l’autre côté de la Seine, la Cinémathèque française vient tout juste de projeter le Casanova muet d’Alexandre Volkoff (1927). La Comédie Française enfin propose (jusqu’au 12 mars) une nouvelle mise en scène d’Alain Françon de la trilogie de la Villégiature d’un autre célèbre vénitien, Carlo Goldoni.
            Mais, mis à part le Casanova d’Alexandre Volkoff, quid du cinéma dans toute cette affaire ? Il y a d’abord que s’intéresser (même de près) au cinéma ne signifie pas s’intéresser uniquement au cinéma et que l’analyser et le disséquer sans savoir à l’occasion le rapprocher des autres arts et de la littérature risquerait de le réduire (et de réduire le regard de celui qui prétend l’étudier) à peu de chose. Il y a ensuite et surtout que l’exposition de la B.N.F. ouvre largement la voie au cinéma en diffusant à travers ses différentes salles des extraits de quatre films très différents les uns des autres mais qui tous proposent une approche personnelle et originale de Casanova, de sa vie et de son œuvre.

3 février 2012

Le talent est-il héréditaire?

Another Happy Day, de Sam Levinson.
Killing Fields, de Ami Canaan Mann.
            Oui, le talent est-il héréditaire ? C’est la question que je me suis posée en sortant de la projection du film de Sam (fils de Barry) Levinson, Another Happy Day, et je me l’étais déjà posée, voici à peine plus d’un mois, à propos de Ami Canaan (fille de Michael) Mann pour son film Killing Fields (Texas Killing Fields)  --  d’autant plus que son père en était le producteur. Question oiseuse, j’en conviens, chacun ayant le droit de vouloir se faire un prénom en menant la carrière qu’il entend et comme il l’entend sans être pour autant soupçonné de vouloir toucher les dividendes d’une éventuelle gloire familiale.

30 janvier 2012

Un Sherlock Holmes peut toujours en cacher un autre.

Sherlock Holmes 2: Jeu d’ombres, de Guy Ritchie.
La Vie privée de Sherlock Holmes, de Billy Wilder.
            Mais pourquoi suis-je donc allé voir cette seconde mouture d’un Sherlock Holmes new-look [1]  à l’esthétique passablement clipeuse, au milieu d’un parterre d’adulescents amateurs de pop-corn et de Coca-Cola, alors même que je n’ai pas vu la première et n’avais nulle envie de voir la seconde  --  sinon pour m’habituer mentalement et physiquement à un genre de spectacle où ne manqueront pas de m’entraîner dans quelques années mes vaillants petits-enfants. Bref, veni, vidi et à défaut de vici, je suis sorti de là comme on sort du grand huit d’un Disneyland en couleurs, cinémascope et son THX, avec les yeux en boutons de bottines, les oreilles bourdonnantes, le cerveau en capilotade (bien qu’il n’ait guère servi tout au long de la projection, croyez-moi) et le souffle court tant on s’est épuisé deux heures durant à courir après des effets de montage dont la rapidité tient lieu d’idée de mise en scène. Le virtuel prend ici le pas sur toute autre considération avec le seul souci d’en mettre plein la vue du public à coup de morceaux de bravoure et d’effets pyrotechniques aussi vains que bruyants. Ce n’est pas que Guy Ritchie ne connaisse pas son métier (il est même capable ici ou là de donner l’impression d’une mise en scène réussie), mais il ne peut s’empêcher de faire le malin, de remplacer l’humour par la dérision et de livrer finalement un produit industriel soigneusement calibré, ni bien ni mal filmé mais filmé autrement, qui ne se justifie que pour les profits substantiels qu’il ne manquera pas de générer et ne relève donc que très lointainement du cinéma (dont je sais bien, célèbre formule, qu’il est par ailleurs une industrie).
            Cependant (et pourquoi le taire ?) ce n’est pas avec le secret espoir de découvrir un chef-d’œuvre que j’ai perdu mon temps à ce blockbuster à peu près dénué de tout intérêt, mais pour revenir sur un autre Sherlock Holmes (dont rien dans l’actualité ne justifie qu’on en parle [2]), celui, sublime, de Billy Wilder dans La Vie Privée de Sherlock Holmes (The Private Life of Sherlock Holmes, 1970).

28 janvier 2012

Un film noir très serré.

Le Coup de l’escalier (Odds Against Tomorrow), de Robert Wise (1959).
            Beaucoup ne connaissent Robert Wise (mais tout en ignorant peut-être son nom) que pour deux mauvaises raisons : le très surestimé West Side Story (1961), dont les bons moments sont dus au chorégraphe Jerome Robbins, et La Mélodie du bonheur (The Sound of Music, 1965), sirupeux musical à peu près insupportable de bout en bout. On ignore souvent qu’il fut à ses débuts le monteur d’Orson Welles (pour Citizen Kane, 1940, et La Splendeur des Amberson/The Magnificient Ambersons, 1941) et qu’on lui doit quelques très bons films à petits budgets réalisés dans les années 40 pour la R.K.O.[1] : La Malédiction des hommes-chats (The Curse of the Cat People, 1943), qui vaut beaucoup mieux que son titre imbécile, Le Récupérateur de cadavres (The Body Snatcher, 1945) ou encore Ciel Rouge (Blood on the Moon, 1948). A la charnière des années 40 et 50, il réalisa l’un des meilleurs films consacrés à la boxe (Nous avons gagné ce soir/The Set-Up, 1949, avec déjà Robert Ryan) et, en plein maccarthysme, un film de science-fiction étonnamment adulte (pour l’époque) et politique, Le Jour où la terre s’arrêta (The Day the World Stood Still, 1951). La suite de sa carrière, souvent opulente en termes de budgets, fut beaucoup plus hasardeuse sur le plan qualitatif,  quelques réussites assez rares émergeant ici et là, comme ce Coup de l’escalier (Odds Against Tomorrow) qu’il nous est donné de revoir aujourd’hui et que Wise (1914-2005) réalisa en 1959, juste avant West Side Story.

26 janvier 2012

"Tout le monde a ses raisons".

The Descendants, d’Alexander Payne.
            La carrière d’Alexander Payne (cinq films seulement à ce jour pour un cinéaste né en 1961) suit une courbe ascendante, au moins depuis Monsieur Schmidt (About Schmidt, 2002) et surtout Sideways (2004), sorte de road-movie nonchalant à travers les vignobles de la Napa Valley. Et c’est bien cette même nonchalance que l’on retrouve ici, ce choix, à de très rares moments près, d’une dédramatisation systématique qui fonde en quelque sorte la vision du monde du cinéaste, et son style.