27 mai 2013

Une grossière attraction pour parc de loisirs.


Gatsby le magnifique (The Great Gatsby), de Baz Luhrmann (2013).

            Que je sois honnête : ce n’est certes pas le nom de Baz Luhrmann qui m’a incité à aller voir ce Great Gatsby, présenté tout de même en ouverture du festival de Cannes (on croit rêver !), mais bien sûr le livre de Scott Fitzgerald, pas son meilleur peut-être (on peut lui préférer « Tendre est la nuit »), mais assurément un des grands romans américains de la première moitié du XXème siècle cependant, et un des plus mythiques. Aussi pouvait-on craindre le pire d’un cinéaste qui n’a guère brillé jusqu’ici, sinon par des débauches de choix esthétiques particulièrement clinquants  --  et le pire est bien arrivé et même, si l’on ne craignait de pratiquer l’hyperbole, le pire du pire.

24 mai 2013

Retour vers le passé.


Sous surveillance (The Company You Keep), de Robert Redford (2012).

            On aimerait dire sans la moindre réserve le plus grand bien de toutes les entreprises menées par Robert Redford, tant pour l’acteur dont la carrière demeure exceptionnelle que pour l’homme dont les engagements forcent le respect. On ne saurait à cet égard minorer l’importance du Sundance Institute et de ses satellites (dont le fameux festival) qui ont largement contribué depuis plusieurs décennies au développement du cinéma américain indépendant. On en est donc d’autant plus gêné de ne pas s’enthousiasmer pour l’œuvre de Redford devenu cinéaste dès 1980 avec Des gens comme les autres (Ordinary People, 1980), œuvre non point indigne ou scandaleuse mais qui n’est jamais parvenue à s’imposer vraiment  --  au point que son précédent film, La Conspiration (The Conspirator, 2010), a été très mal accueilli et n’a pas même connu en France d’exploitation commerciale[1]. Des titres, assez peu d’ailleurs, demeurent dans les mémoires (notamment Et au milieu coule une rivière/A River Runs Through It, 1992, et L’Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux/The Horse Whisperer, 1998), mais aucune cohérence d’ensemble qui permette d’affirmer, au-delà des contraintes du système hollywoodien, que l’on a affaire à un cinéaste d’envergure avec une vision du monde et le style qui l’accompagne. A cet égard, que cela plaise ou non sur un plan politique, on est à des années-lumière de l’œuvre d’un Clint Eastwood, comédien plus limité et moins attachant dans ses prises de positions idéologiques mais d’une toute autre pointure une fois passé derrière la caméra.

17 mai 2013

A la croisée des grands mythes américains.

Mud, de Jeff Nichols (2012).

            Ceux qui, fort peu nombreux, ont découvert naguère (janvier 2008) l’éblouissant coup d’essai de Jeff Nichols, Shotgun Stories (2007), dans des salles pour ainsi dire désertes, peuvent aujourd’hui constater avec satisfaction, après Take Shelter (2011) et plus encore Mud, que le jeune réalisateur (il est né en 1978) se place désormais sans l’ombre d’un doute dans le peloton de tête de la nouvelle génération des cinéastes américains  --  et à l’une des toutes premières places.

13 mai 2013

Donner vie à une pensée abstraite.


Hannah Arendt, de Margarethe von Trotta (2012).

            D’abord actrice, Margarethe von Trotta (née en 1942) a participé à l’éclosion du jeune cinéma allemand des années 70, aux côtés de Rainer Maria Fassbinder notamment, mais aussi de son époux d’alors, Volker Schlöndorff (pour L’Honneur perdu de Katharina Blum/Die verlorene Ehre der Katharina Blum, en 1975, et Le Coup de grâce/Der Fangschuss, d’après Marguerite Yourcenar, l’année suivante). Elle est passée à la réalisation au milieu des années 70  --  et ses films les plus intéressants (Les Années de plomb/Die Bleierne Zeit, 1981, ou Rosa Luxemburg/Die Geduld der Rosa Luxemburg, 1985, avec déjà Barbara Sukowa, ou encore Les Années du mur/Das Versprechen, 1995) s’attachent à l’exploration des relations que l’Allemagne entretient avec son passé. Bien que consacré à une philosophe certes allemande d’origine mais naturalisée américaine dès 1951, Hannah Arendt s’inscrit aujourd’hui dans une même démarche, où le fond importe davantage que la forme.

2 mai 2013

Un jeu élégant mais vain.


The Grandmaster (Yi dai zong shi), de Wong Kar-Wai (2013).

            Habitué des festivals et choyé par la critique, Wong Kar-Wai me paraît être un des cinéastes contemporains les plus surestimés  --  jugement, comme il se doit, qui n’engage que moi. Ajouterai-je, histoire d’aggraver mon cas déjà désespéré et quitte à passer pour un iconoclaste irresponsable, que In the Mood for Love (2000) est à mes yeux un des films les plus surfaits de ces quarante ou cinquante dernières années ? C’est cependant avec un véritable et sincère intérêt que je suis allé découvrir The Grandmaster, plutôt curieux de voir ce que pouvait donner la rencontre du cinéaste avec ce que l’on appellera, faute d’un terme plus précis, le film de kung fu. Et le résultat, curieusement hybride, n’est pas pleinement satisfaisant, même s’il n’est pas toujours désagréable.