27 février 2012

Extrêmement vache(s) et incroyablement bon(s).

Bovines, d’Emmanuel Gras
Bullhead, de Michael R. Roskam.

            J’aime beaucoup les vaches. Je les fréquente d’ailleurs quelques semaines par an, sur leurs terres si j’ose dire, dans le Charolais bourguignon. Emmanuel Gras, auteur jusqu’ici de quelques courts métrages, a préféré, lui, rencontrer ses Bovines du côté du Calvados.
Mais qu’importe le terroir pourvu qu’on les retrouve, ces vaches, telles qu’en elles-mêmes enfin l’éternité les change. Car, sans vouloir pécher par excès de grandiloquence, c’est bien de cela qu’il s’agit : d’une forme de permanence mêlée de sérénité dont peu de choses peuvent troubler l’ordonnance des jours  --  le départ d’une d’entre elle, la séparation d’avec leurs veaux.

24 février 2012

Un cheval nommé Joey.

Cheval de guerre (War Horse), de Steven Spielberg.

            Steven Spielberg, le cinéaste qui filme plus vite que son ombre pourrait-on dire tant il est vrai que ce réalisateur hyperactif, homme de cinéma par excellence, enchaîne film sur film, initie et accumule de multiples projets (comme producteur, scénariste voire acteur), multiplie les interventions parfois là où on ne l’attend pas, semblant ne devoir jamais prendre de repos. Rien de ce qui est cinématographique ne lui est étranger et c’est dès l’adolescence qu’il s’est affronté à la pellicule [1], et cette passion juvénile ne l’a jamais quitté. Aussi ne faut-il pas s’étonner de le voir s’intéresser, en grand gamin toujours avide de nouveauté, à toutes les technologies contemporaines qui peuvent faire avancer le cinéma  --  quitte à en revenir parfois.

22 février 2012

Le cinéaste et l'ami des ouvriers.

Octobre, de Sergei Mikhailovich Eisenstein (1928).

            Il faut une fois encore saluer l’excellent travail d’Arte qui a diffusé la semaine dernière Octobre, de S.M. [1] Eisenstein dans une splendide copie restaurée par le Film Museum de Munich. Le film était à l’origine une commande pour les célébrations du dixième anniversaire de la révolution soviétique, mais en dépit de ses efforts et du fait qu’il dut le remanier pour en supprimer un certain nombre de protagonistes tombés en disgrâce (dont Trotski), Eisenstein ne put respecter le calendrier et Octobre ne fut projeté pour la premier fois à Moscou que le 14 mars 1928. Mal reçu dans l’ensemble, et notamment par le public ouvrier dérouté par le caractère jugé trop intellectuel de l’œuvre, Octobre fut finalement taxé de « formalisme » et mis sous le boisseau, sinon censuré.

19 février 2012

Voie sans issue.

Reprise de Five Easy Pieces, de Bob Rafelson (1970).
            Le «vieux» cinéma hollywoodien n’étant plus et le nouvel Hollywood n’étant pas encore, il y eut un court moment entre le milieu des années 60 et le début des années 70 où un groupe de jeunes cinéastes estima possible d’ouvrir une nouvelle voie pour un cinéma américain fait de rupture et de contestation. Bob Rafelson (né en 1935), dont on peut revoir aujourd’hui Five Easy Pieces, en faisait partie.

16 février 2012

Avec mesure et retenue.

Notes sur William Wellman et le western.
            La réédition de La Ville abandonnée (Yellow Sky, 1948), la diffusion l’été dernier au « Cinéma de minuit » de FR3 de Track of the cat, la projection très récente à la Cinémathèque de L’Etrange incident (The Ox-Bow Incident)  --  autant d’occasion pour redécouvrir les westerns de William Wellman dont j’ai déjà dit ici-même combien il me paraissait être un cinéaste injustement sous-estimé aujourd’hui.

11 février 2012

En de douteux combats.

La Taupe (Tinker, Taylor, Soldier, Spy), de Tomas Alfredson.
            « Il avait perdu sa magie », écrit de son personnage principal (un comédien), Philip Roth à l’ouverture de son dernier roman Le Rabaissement [1]. Perdre sa magie, son élan, n’est-ce pas ce qui menace un jour ou l’autre tout artiste, acteur, cinéaste, peintre, écrivain, que sais-je encore ? La sortie du film de Tomas Alfredson La Taupe nous rappelle à point nommé que la formule imaginée par Roth (à sa propre intention ?) convient admirablement à John Le Carré, l’auteur du livre à l’origine du film, qui, depuis un peu plus de vingt ans maintenant, semble avoir perdu ses repères. De l’habileté, du métier, du savoir-faire, une inspiration parfois encore heureuse ici ou là, admettons; mais de magie, point, sans doute disparue du côté de Berlin, avec les débris du Mur, en 1989 ou peut-être un peu plus tard.

9 février 2012

Un expressionnisme burlesque.

La Poupée (Die Puppe), de Ernst Lubitsch (1919).
            La belle surprise que voilà ! Une rareté [1] d’Ernst Lubitsch datant de 1919 et qu’Arte (la seule chaine de télévision à proposer régulièrement, mais à des heures tardives, des films muets) vient de diffuser dans une splendide copie teintée restaurée par la Friedrich-Wilhelm-Murnau-Stiftung dont je me permets de souligner ici l’importance du travail depuis bien des années maintenant. C’est grâce aux efforts infatigables de cette fondation que l’on sait aujourd’hui, à force de reconstruction et de restauration des grandes œuvres du cinéma allemand muet, que de 1918 à 1930, l’effervescence créatrice et l’inventivité technique, c’était alors du côté de l’Allemagne qu’il fallait aller les chercher.

6 février 2012

Casanova dans tous ses états.

            La Bibliothèque Nationale de France, site Mitterrand, présente jusqu’au 19 février une exposition d’un grand intérêt consacrée à Giacomo Casanova. Juste de l’autre côté de la Seine, la Cinémathèque française vient tout juste de projeter le Casanova muet d’Alexandre Volkoff (1927). La Comédie Française enfin propose (jusqu’au 12 mars) une nouvelle mise en scène d’Alain Françon de la trilogie de la Villégiature d’un autre célèbre vénitien, Carlo Goldoni.
            Mais, mis à part le Casanova d’Alexandre Volkoff, quid du cinéma dans toute cette affaire ? Il y a d’abord que s’intéresser (même de près) au cinéma ne signifie pas s’intéresser uniquement au cinéma et que l’analyser et le disséquer sans savoir à l’occasion le rapprocher des autres arts et de la littérature risquerait de le réduire (et de réduire le regard de celui qui prétend l’étudier) à peu de chose. Il y a ensuite et surtout que l’exposition de la B.N.F. ouvre largement la voie au cinéma en diffusant à travers ses différentes salles des extraits de quatre films très différents les uns des autres mais qui tous proposent une approche personnelle et originale de Casanova, de sa vie et de son œuvre.

3 février 2012

Le talent est-il héréditaire?

Another Happy Day, de Sam Levinson.
Killing Fields, de Ami Canaan Mann.
            Oui, le talent est-il héréditaire ? C’est la question que je me suis posée en sortant de la projection du film de Sam (fils de Barry) Levinson, Another Happy Day, et je me l’étais déjà posée, voici à peine plus d’un mois, à propos de Ami Canaan (fille de Michael) Mann pour son film Killing Fields (Texas Killing Fields)  --  d’autant plus que son père en était le producteur. Question oiseuse, j’en conviens, chacun ayant le droit de vouloir se faire un prénom en menant la carrière qu’il entend et comme il l’entend sans être pour autant soupçonné de vouloir toucher les dividendes d’une éventuelle gloire familiale.