Jason
Bourne : l’héritage (The
Bourne Legacy), de Tony Gilroy (2012).
Longtemps, pour le cinéma américain,
l’image du mal s’est incarnée dans ces ennemis étrangers que furent tour à tour
le nazi et le communiste, avec leurs variantes domestiques : l’espion ou
le saboteur -- bref : le terroriste. Cette image
demeure d’autant plus forte aujourd’hui que le 11-septembre lui a donné un évident
regain d’actualité. Mais il est un autre ennemi, dont on peut dater l’apparition du début des
années 60 avec l’assassinat de John Kennedy et les soupçons de complot qu’il a
nourris (et continue de nourrir d’ailleurs), et que l’on appellera moins ennemi intérieur (il s’agirait alors d’une
sorte de cinquième colonne) qu’ennemi familier.
Il n’est pas indifférent que ce soit un cinéaste proche des Kennedy, John
Frankenheimer, qui, le premier, a illustré ce glissement, d’abord avec The Manchurian Candidate (Un Crime dans la tête, 1962), qui met en
scène un assassinat politique en lien avec la guerre de Corée et le maccarthysme,
mais surtout avec Seven Days in May (Sept jours en mai, 1964) qui décrit une
tentative de coup d’état militaire aux Etats-Unis[1].
The Parallax View (A cause d’un assassinat, Alan J. Pakula,
1974) et Three Days of the Condor (Les Trois jours du condor, Sydney
Pollack, 1975) débusquaient une dizaine d’années plus tard l’ennemi au cœur même du système en dénonçant les méfaits de
certaines agences gouvernementales, frayant la voie à une longue série de
thrillers paranoïaques dont la trilogie Jason Bourne fait assurément partie. L’ennemi
peut être désormais n’importe qui, et surtout quelqu’un de votre propre camp
qui vous manipule jusqu’à ce que mort s’ensuive
-- voilà pour le postulat de base
d’un genre que l’intrusion récente des nouvelles technologies n’a fait qu’exacerber
en l’enrichissant de ressources nouvelles.