The
Dark Knight Rises, de Christopher Nolan (2012).
Même ceux qui n’ont pas toujours été
entièrement convaincus par toutes les réalisations de Christopher Nolan doivent
admettre qu’il est à coup sûr aujourd’hui (et bien que citoyen britannique) un
des six ou sept cinéastes « américains » d’importance apparus ces
quinze dernières années -- et pour ainsi dire le seul capable de
conjuguer nécessités commerciales et préoccupations d’auteur (distinguo que je
n’apprécie guère au demeurant) dans des productions aux budgets pharaoniques
mais où jamais pour autant il ne renonce à faire œuvre originale. Ainsi,
souvent responsable de ses scénarios (avec parfois, comme ici, son frère
Jonathan), a-t-il pu développer une vision du monde personnelle à la fois noire
et volontiers tortueuse, tout en étant capable dans le même temps de s’adapter
à des univers venus d’ailleurs mais proches de ses préoccupations -- du
scénario de Nicolaj Frobenius pour Insomnia
(2002) aux bandes dessinées de Frank Miller (plutôt que de Bob Kane, pourtant à
l’origine du personnage de Batman) en passant par un roman bien particulier de
Christopher Priest (The Prestige/Le
Prestige, 2006). On peut y déceler un goût marqué pour un (ou des) monde(s)
en rupture, où le temps paraît comme s’envoler dans une autre dimension et l’espace
se dérober sous les pieds de personnages condamnés à vivre des situations en
constant déséquilibre. The Dark Knight
Rises n’échappe pas à la règle, à la
fois blockbuster destiné à gagner
beaucoup d’argent (et qui en gagnera sûrement beaucoup) et réflexion
approfondie sur notre monde contemporain
-- et la fusillade d’Aurora, qui
a dramatiquement marqué les débuts de l’exploitation du film aux Etats-Unis,
lui donne un prolongement sanglant en même temps qu’elle éclaire et conforte la
vision du cinéaste.