Prometheus,
de Ridley Scott (2012).
Sale temps pour les séries et autres
sagas. Après Men in Black 3, c’est au
tour de Prometheus de démontrer à
ceux qui l’ignoreraient encore que les meilleurs filons ont une fin. La saga Alien avait pourtant eu jusqu’ici
beaucoup de chance : quatre films[1],
tous réussis, confiés à quatre metteurs en scène radicalement différents[2]
et parfois improbables mais qui tous surent faire œuvre originale et
personnelle tout en respectant les contraintes du genre. Bouclant la boucle (même
si ce film-ci se veut, de façon un peu
spécieuse, indépendant des autres), c’est à Ridley Scott qu’il revient
aujourd’hui d’enterrer la série, lui qui le premier avait mis sur orbite le
spectaculaire monstre extra-terrestre.
Reprenant l’étrange chronologie
choisie par Georges Lucas pour sa Guerre
des Etoiles (on commence par le milieu, on achève la saga et puis on
remonte aux origines), Prometheus
apparaît donc comme une prequel des
quatre films précédents en même que l’amorce d’une possible nouvelle série, le
professeur Elizabeth Shaw (Noomi Rapace) remplaçant comme fil conducteur le
lieutenant Ellen Ripley (Sigourney Weaver). Le scénario, assez filandreux,
s’attache en effet à donner des explications sur la présence et l’origine du
vaisseau naufragé découvert sur une planète inconnue au tout début de la saga,
tout en ne répondant pas à quelques questions essentielles qui pourront ainsi
faire l’objet d’une éventuelle sequel.
On apprend donc que l’homme n’a pas été créé par un dieu (d’où des
considérations mystico-religieuse un peu oiseuses), non plus que par un
hypothétique « big bang », mais par une civilisation extra-terrestre
qui a fini par se détourner de sa créature au point de vouloir l’éradiquer.
D’où le vaisseau naufragé, rempli à ras-bord d’œufs d’aliens (qui ne sont en fait rien moins que des armes de destruction
massive), tête de pont d’une invasion de la terre destinée à détruire toute
l’espèce humaine. Les raisons de cette vindicte demeurent ici inconnues (en
réserve pour un prochain épisode), mais à voir l’état d’énervement dans lequel
l’apparition de quelques pauvres humains met un de ces extra-terrestres, on
peut supposer qu’elles sont sérieuses. Voilà donc pour l’intrigue, aussi mince
dans les grandes lignes qu’obscure dans les détails.
Le spectateur avide de retrouver la
célèbre et horrifique créature en sera donc pour ses frais : on ne la voit
apparaître, et encore sous une forme relativement peu développée, que dans un
rapide épilogue. Certes, l’étrange conception plastique et architecturale,
comme ossifiée, imaginée par H.R.Giger pour le vaisseau et les scaphandres extra-terrestres
occupe-t-elle ici très logiquement le centre du récit, mais elle semble avoir
perdu une grande partie de sa puissance évocatrice. Attrait de la nouveauté en
1979, aujourd’hui quelque peu éventée ? Sans doute en partie, l’effet de
surprise n’existant plus, mais aussi incapacité du cinéaste à communiquer par
sa mise en scène un second souffle à un imaginaire pourtant toujours aussi
séduisant. Le très fort sentiment d’angoisse glauque et suintante éprouvé lors
de l’exploration du vaisseau au début du premier Alien [3]
a bel et bien disparu, et Scott échoue à peu près tout au long du film à
retrouver l’unité profonde de son coup d’essai. Tout se passe comme si le réalisateur, incapable de
maîtriser un scénario trop touffu et parfois même incohérent dans certaines de
ses péripéties, hésitait sans cesse entre deux directions, celle
fantastico-gore du premier Alien (variations sur le thème gothique du château
hanté par un monstre qui en tue tous les occupants) et une autre, nouvelle,
tournée vers une imagerie « new age » qui laisse rêveur, non sans
tenter au passage d’en ouvrir une troisième, celle de la dénonciation politique
à travers le rôle trouble joué par la Weyland Company, multinationale qui
finance l’expédition et dont le président, vieillard chenu interprété par un
Guy Pearce méconnaissable, entend obtenir la vie éternelle à travers une sorte
de nouveau pacte faustien. Scott peut dire que son film rejoint par là des
préoccupations déjà affichées dans Blade
Runner (1982) avec la toute puissante et très manipulatrice Tyrell
Corporation, mais il est bien difficile de ne pas remarquer malgré tout
l’indigence du propos tout en rappelant que les deux premiers épisodes, et
notamment le second (Aliens), étaient
autrement plus explicites et convaincants sur le jeu mené dans l’histoire par
le complexe militaro-industriel.
Fort de son indiscutable
savoir-faire et d’une équipe technique très au point, Ridley Scott sauve
cependant les meubles. On lui saura gré de mener finalement à bon port un récit
menacé bien souvent de naufrage et surtout de savoir admirablement utiliser les
paysages islandais qu’il transforme en une planète hostile et inconnue. L’une
des forces du cinéaste, depuis ses débuts, tient d’ailleurs à l’usage qu’il
fait des décors, et notamment des paysages
-- véritables colonnes
vertébrales et principales lignes de force de récits qui, trop souvent,
s’éparpillent dans toutes les directions, comme c’est ici le cas. Sans doute
est-ce de ce côté-là que devront aller fouiner un jour les futurs exégètes de l’œuvre
de Ridley Scott, s’il s’en trouve
-- Scott, un cinéaste assurément
très irrégulier et habitué aux faux-pas mais capable de belles réussites et qui
ne mérite pas le dédain critique dont on l’accable trop souvent. Ce coup-ci,
c’est bien d’un faux-pas qu’il s’agit, et d’un faux-pas qui nous promet
(peut-être) un Prometheus 2 ou un Alien 6. Serait-ce bien
raisonnable ?
[1] Alien/Alien : le huitième passager
(1979), Aliens/Aliens, le retour
(1986), Alien 3 (1992) et enfin Alien Resurrection/Alien, la resurrection
(1997).
[2]
Respectivement Ridley Scott, James Cameron, David Fincher et Jean-Pierre
Jeunet.
[3] Et qui
fonctionne toujours aussi bien, je viens de le vérifier en revoyant la
séquence.
A la question restée en suspens à la fin de cette pertinente lecture du film, je réponds pour ma part par la négative. A moins qu'il ne se reprenne sérieusement ou, de manière plus raisonnable, qu'il passe simplement la main à d'autres.
RépondreSupprimerps : décidément, ce film nous poursuit partout : l'ordinateur vient de me demander de prouver que je ne suis pas un robot !
RépondreSupprimerGrand merci pour vos commentaires.
RépondreSupprimerJe suis bien d'accord avec vous quant à une éventuelle suite. Mais Ridley Scott semble avoir d'autres projets. A suivre donc, si j'ose dire.
C'est sans doute un robot qui vous demande si vous n'êtes pas un robot. Mais il y a robot et robot, et un robot qui apprécie "Lawrence d'Arabie" ne saurait être tout à fait mauvais.
Effectivement, ce film semble pour le moins boiteux, oscillant entre deux constructions classiques du film de science-fiction : le film de découverte, et celui de confrontation (les définitions sont de moi, soyons donc indulgents). En général, on choisit, et ça donne l'orientation du film.
RépondreSupprimerLe statut de "prequel" d'une série de films déjà largement chargés en confrontation(s) destinait logiquement Prometheus à la première catégorie (pensais-je). Mais... Outre le prologue qui dévoile tout et le décryptage un peu facile des gribouillis préhistoriques, l'ahurissante séquence "réveil de stase - briefing lapidaire - entrée dans l'atmosphère - atterrissage à proximité immédiate du noeud du problème - débarquement - découverte d'une autre forme de vie", le tout en moins de 24 heures (efficacité américaine, probablement), me laisse penser que la lente (et passionnante) découverte de la vérité n'est pas le propos de l'ami Scott.
Et la confrontation, me direz-vous? Malgré des débuts prometteurs avec la fin des deux promeneurs du dimanche égarés dans le dôme (scène fort justement dosée en horreur sèche et glaçante), ça s'enlise très vite, du fait de la multiplicité des formes d'adversité et de l'absence d'un "bad guy" identifiable et percutant. Du coup, ça s'éparpille entre sangsue géante (et méchante), substance noirâtre (et méchante) qui contamine où rend fou (et méchant - ça doit dépendre du caractère de départ), foetus extraterrestre (et méchant) ayant la particularité de grandir sans arrêt (!), ingénieur albinos adepte du culturisme (et, vous l'aurez compris, méchant)... Jusqu'à, finalement, un Alien qui apparaît alors que tout le monde a déjà passé l'arme à gauche. Dommage, il a dû être déçu. La cohérence de l'action s'en ressent et laisse un gout d'inachevé (surtout pour un film de Ridley Scott).
Reste quelques (très) belles images et des acteurs, notamment les seconds rôles, qui valent la peine. Etait-il pour autant utile de faire jouer un vieillard par Guy Pearce, à peine sorti de sa prison spatiale?...
Bref, on est déçu, quand même.
Extrêmement déçu par ce film
RépondreSupprimerLa construction du film repose sur son premier film, un peu comme s'il "s'auto plagiait"
Difficile de faire mieux que "Alien, le 8ème passager"
L'apport de la projection en 3D (si c'est un apport) est qu'il est bon de temps en temps d'avoir des fils qui pendouillent dans certaines scènes, les tentacules marchent bien aussi. Je retiendrai la leçon, pratiquant des prises de photos en stéréoscopie
Pas sûr qu'on apprenne du neuf avec la suite du début...