Men in Black 3, de Barry Sonnenfeld (2012).
Certaines séries ou sagas avec
suites ou sequels, appelez-les comme
vous voudrez, ont plus de chance que d’autres, mais Men in Black ne fait hélas pas partie du lot. Adapté d’une bande
dessinée à une époque (1997) où ça n’était pas encore la mode, le premier opus
ne manquait ni d’humour ni d’invention, dans des limites soigneusement balisées
et codifiées. Avec les années cependant, les limites ont progressivement pris
le dessus jusqu’à ce troisième épisode qui a beaucoup perdu de la saveur
d’origine et n’entend plus bâtir son succès que sur la seule réputation de sa
franchise commerciale désormais plus proche des fins de série que des nouvelles
collections.
L’histoire du cinéma américain ne
manque pas de ces cinéastes qui surent non seulement s’accommoder des
contraintes imposées par les grandes compagnies de production mais aussi les
dépasser. Rien de tel ici où Barry Sonnenfeld respecte avec paresse un cahier
des charges singulièrement appauvri, en réalisateur consciencieux mais peu
soucieux au bout du compte de faire œuvre personnelle, en s’opposant par
exemple aux volontés de ses producteurs (et peut-être de son producteur
exécutif, Steven Spielberg). D’où un produit formaté et sans ambition qui, avec
le temps, a perdu de son énergie et de son imagination.
Sans doute serait-il quelque peu
exagéré de ne pas reconnaître ici ou là au film des vertus sinon franchement
comiques du moins amusantes. Quelques répliques font mouche et voir Andy Warhol
transformé en simple couverture pour un « homme en noir », qui peint
des boîtes de conserve pour tuer le temps et ne supporte plus le son du sitar,
ne manque certes pas de sel, mais on ne va guère au-delà d’un humour potache
tout droit sorti du Harvard Lampoon.
Le scénario, écrit par un certain
Ethan Coen, excusez du peu[1],
reprend une bonne vieille ficelle de science-fiction (mieux illustrée par James
Cameron pour les deux premiers Terminator)
consistant à faire voyager des personnages dans le passé pour modifier le futur
ou le rétablir tel qu’il doit être. Ainsi l’agent J (Will Smith) se
retrouve-t-il propulsé dans le New-York de 1969 (d’où Andy Warhol et sa célèbre
Factory) où il retrouve son co-équipier l’agent K (à la fois Tommy Lee Jones,
« vieux » dans le futur, et Josh Brolin, rajeuni dans le passé) qu’il
doit sauver des griffes de l’affreux Boris l’Animal, un alien particulièrement
vindicatif, lui-même évadé du futur.
Suivent des péripéties assez plates, où les extra-terrestres pittoresques,
marque de fabrique de la série et son intérêt principal, sont malheureusement
réduits à la portion congrue.
Dire qu’on s’y ennuie serait un bien
grand mot mais on observe tout cela d’un œil un peu distrait --
d’autant que la découverte des liens qui unissent J à K, très « croix-de-ma
mère », ajoute au film une petite note sirupeuse dont on se serait bien
passé. Quant au méchant extra-terrestre qui s’énerve quand on l’appelle
« Boris l’Animal » (d’où un réplique que les auteurs rêvent sans
doute de voir devenir culte : « It’s just Boris ! »), c’est
amusant une ou deux fois, mais l’astuce finit par s’user à force de répétition
à l’image d’un film qui ne cesse de tirer à la ligne et en longueur. Et qui
démontre par l’absurde qu’il ne suffit pas de réunir des collaborateurs
présumés compétents (outre Ethan Coen au scénario, Danny Elfman à la musique)
pour bâtir un univers riche et cohérent. Il faut aussi un chef d’orchestre, et
c’est bien en vain qu’on le cherche ici.
[1]
Une vieille connaissance de Barry Sonnenfeld qui fut le chef opérateur des deux
frères pour Sang pour sang/Blood Simple
(1984), Arizona Junior/Raising Arizona
(1986) et Miller’s Crossing (1990).
bravo pour votre blog érudit.
RépondreSupprimerPar contre Etan Coen n'est pas Ethan Coen...
Un grand merci pour votre commentaire très encourageant et pour l'attention que vous voulez bien porter à ce blog. Je me suis empressé de corriger cette erreur. Gros avantage du numérique sur l'imprimé!
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