2 mars 2013

Trivial week-end.


Week-end royal (Hyde Park on Hudson), de Roger Michell (2012).

            La mode semble bien être ces temps-ci dans le cinéma anglo-saxon aux biopics, ces biographies filmées plus ou moins romancées consacrées à de célèbres personnalités  --  et donc susceptibles, pense-t-on, d’attirer un maximum de spectateurs dans les salles obscures. A ce petit jeu, des vedettes hollywoodiennes (devant ou derrière la caméra : de Marilyn à Hitchcock ) évoluent au coude à coude avec des présidents américains  --  Lincoln voici peu, Roosevelt aujourd’hui. Mais sans que pour autant le résultat (le Lincoln de Spielberg mis à part) soit à la hauteur des enjeux.

            Contrairement à Spielberg, qui abordait son sujet de front, sans détour et même avec une rigueur dramaturgique presque aride mais très convaincante à l’arrivée, Roger Michell, auteur de l’aimable Notting Hill (Coup de foudre à Notting Hill, 1998), adopte en revanche un point de vue essentiellement superficiel, largement en forme de trou de serrure, et qui lorgne par ailleurs vers le succès du récent Discours d’un roi (The King’s Speech, Tom Hooper, 2010). Le scénario évoque en effet une rencontre, au cours d’un week-end moins royal que trivial, entre le président Roosevelt (Bill Murray) et le roi George VI (Samuel West), dont nul n’ignore désormais les difficultés d’élocution. On est dans l’Amérique de 1939, plutôt isolationniste dans l’ensemble, mais avec un président sachant déjà qu’il devra tôt ou tard et d’une manière ou d’une autre intervenir dans la guerre qui s’annonce.

            Il y avait là un beau sujet historico-politique, d’autant qu’à la même époque le très populaire Lingbergh aux Etats-Unis[1] et le duc de Windsor (ex-Edouard VIII) en Grande-Bretagne flirtaient sans vergogne avec les nazis. Mais Michell et son scénariste, Richard Nelson, préfèrent s’attarder sur des anecdotes égrillardes, et notamment les frasques sexuelles du couple Roosevelt. Toute l’histoire est donc racontée, sinon toujours vue, par une vague cousine du président, une certaine Daisy, quadragénaire plutôt terne qui aurait été une de ses  multiples maîtresses. Adopter le point de vue d’un personnage secondaire pour aborder une histoire bien connue n’est pas en soi une mauvaise idée, bien au contraire  --  voir par exemple l’histoire d’Hamlet vue par Rosencranz et Guildenstern dans la pièce de Tom Stoppard, « Rosencranz et Guildenstern sont morts ». Mais encore faut-il que le narrateur soit autre chose qu’une personnalité à peu près dénuée de tout intérêt. Que dire en effet de cette cousine parfaitement insipide que la malheureuse Laura Linney, une excellente actrice pourtant, ne parvient pas une minute à faire exister, faute de matière. Question de scénario, une fois de plus, et il est regrettable que celui-ci ne parvienne jamais à trouver son sujet.

            Privilégiant les anecdotes scabreuses au détriment des convulsions de la grande Histoire, Week-end royal finit par s’enliser piteusement dans des détails qui se veulent pittoresques sinon croustillants, provoquant davantage d’ennui que de réel intérêt. Comme par ailleurs Roger Michell semble s’être lui-même désintéressé autant de son sujet que de sa mise en scène, assez scandaleusement bâclée, ne reste au bout du compte, et fort logiquement, que les acteurs. Bill Murray mérite évidemment le détour, dans un vrai rôle de composition, et même si on ne lui donne guère de grain à moudre ; mais Olivia Colman et Samuel West, le couple royal, et Olivia Williams, dans le rôle d’Eleanor Roosevelt, ne ménagent pas leurs efforts pour donner un peu d’épaisseur à une entreprise qui en manque singulièrement. Ce sont eux et eux seuls qui sauvent le film d’un naufrage complet.



[1] Voir Philip Roth et son roman « Le Complot contre l’Amérique » où il imagine Lindbergh battant Roosevelt aux élections de 1940 et ce qui s’ensuit (Gallimard, 2006).

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