Réédition de Love is News (L’Amour en première page), de Tay Garnett (1937).
Il ne fait pas de doute que le nom
de Tay Garnett ne dit rien depuis longtemps au grand public et sans doute pas
grand-chose aux jeunes générations de cinéphiles. C’est tout juste s’ils
connaissent encore son film assurément le plus célèbre (et principalement en
raison de la notoriété du roman de James Cain qu’il adapte), Le Facteur sonne toujours deux fois (The Postman Always Rings Twice,
1946) --
que son remake plus torride
(et donc plus fidèle à l’esprit de Cain), réalisé en 1981 par Bob Rafelson avec
Jack Nicholson et Jessica Lange a cependant, à tort ou à raison, quelque peu éclipsé. Demeure également dans les mémoires La Maison des sept péchés (Seven
Sinners, 1940), grâce surtout à la présence de Marlene Dietrich en vedette
féminine[1].
Mais celui qui fut longtemps son film le plus fameux, Voyage sans retour (One Way
Passage, 1932) est tombé dans l’oubli, faute d’être visible. Il
faut dire que le meilleur de Garnett, né en 1898 et mort en 1977, appartient
aux années 30 et 40 et reste largement ignoré. Il est à souhaiter que
l’hommage que prépare la Cinémathèque pour le printemps prochain permette d’y
voir un peu plus clair et de compléter la connaissance très fragmentaire que nous avons de son œuvre -- et
c’est donc avec d’autant plus de chaleur que l’on saluera la réédition de Love is News que propose ces jours-ci
l’Action Christine.
D’une grande drôlerie, le film mêle
des éléments burlesques à la tradition de la screwball comedy (ou comédie loufoque), non sans faire au passage
quelques emprunts à la comédie romantique sophistiquée (voir tout l’entourage
mondain du personnage qu’interprète Loretta Young). Il faut dire que Garnett,
d’une part, produisant beaucoup et à une cadence soutenue (deux films en plus
de Love is News pour la seule année
1937), maîtrisait à peu près tous les genres, et que, d’autre part, ayant été
au début de sa carrière gagman pour
Hal Roach et Mack Sennett, il a toujours manifesté un goût prononcé pour
l’humour et même le slapstick,
n’hésitant pas à en saupoudrer la plupart de ses films, y compris les plus dramatiques.
Ainsi décrit-il ici la rencontre sans surprise mais improbable de deux
personnages que tout sépare (à commencer par le milieu social) mais que l’amour
réunira finalement après d’amusantes péripéties. Une milliardaire (Loretta
Young), lassée de faire la une des journaux, fait courir le bruit de ses
fiançailles avec un journaliste avide de sensationnel (Tyrone Power) qui se
trouve à son tour traqué par ses propres collègues. C’est enlevé sur un rythme
allègre et sans temps morts, avec des dialogues rapides, un peu à la façon de His Girl Friday (La Dame du vendredi, Howard Hawks, 1940). L’allusion à ce dernier
film est d’autant moins déplacée que Love
is News s’attaque à sa façon aux pratiques d’une presse prête à tout pour
obtenir des « unes » bien juteuses[2].
La satire se veut cependant légère, peuplée de personnages secondaires
particulièrement pittoresques -- le journaliste débutant balourd mais bon au
jeu de dames (Elisha Cook), le juge moins sérieux qu’il prétend l’être (Slim
Summerville), la concierge forte en gueule (Jane Darwell) ou le noble français
désargenté et coureur de dot (George Sanders, particulièrement délectable).
Tout cela ne porte guère à
conséquence et ressemble à une bulle de savon qui, en éclatant, éclabousse de
bonne humeur son public. C’était un peu la philosophie de Garnett lui-même, tel
qu’il apparaît dans les mémoires qu’il publia peu avant sa mort[3] :
« blagueur, amateur quelque peu obsédé de jolies blondes, poivrot repenti,
casse-cou, mais surtout homme d’une
vitalité et d’un optimisme inébranlable face à l’adversité »[4].
Rien d’étonnant qu’un Capra, qui appartenait à la même famille, ait préfacé son
livre, le définissant comme « the Laughing Man ». Un nom qui lui va
ici comme un gant.
[1] Ce sont
d’ailleurs les deux seuls films de Garnett à avoir été édités en DVD avec,
récemment, Jour de terreur (Cause for Alarm, 1951).
[2] Le film
de Hawks adaptait la pièce de Ben Hecht et Charles McArthur, « The Front
Page », après la version de Lewis Milestone en 1931 et avant celle de
Billy Wilder en 1974 (sorti en France sous le titre Spéciale Première).
[3]
« Light your torches and pull up your tight », Arlington House, New
Rochelle, 1973.
[4] Fred
Juncq, Ecran 77, avril 1977, p.33.
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