Arbitrage,
de Nicholas Jarecki (2012).
Ce n’est assurément pas le
chef-d’œuvre de l’année mais voilà un film très habilement mené, réalisé par un
jeune réalisateur (il est né en 1979), auteur d’un documentaire sur James
Toback (The Outsider, 2005), et dont
c’est le premier long métrage de fiction. Cependant, n’étant ni un blockbuster capable de rivaliser avec un
quelconque hobbit aux moyens dévastateurs ni un dessin animé susceptible de
drainer en cette période festive un large public enfantin, il y a de bonnes
chances pour qu’Arbitrage, en dépit
d’un casting plutôt haut de gamme,
connaisse un retentissant échec commercial de ce côté-ci de l’Atlantique. On
pourra le déplorer sans s’en étonner pour autant.
L’histoire s’attache à un personnage
d’homme d’affaire richissime, Robert Miller (Richard Gere), très lisse en
apparence et que les premières scènes du film nous présente d’ailleurs à la
fois comme un businessman avisé, un
bon mari et un père de famille exemplaire quoique peu disponible pour les
siens --
après tout, réussir dans la vie, n’est-ce-pas d’abord travailler
dur ? Mais la belle façade d’une réussite à l’américaine ne tarde pas à se
fissurer : Miller trompe sa femme, un peu trop portée sur la bouteille
(Susan Sarandon) avec une galeriste française (Laetitia Casta) qu’il entretient
généreusement et cherche à vendre son entreprise en cachant des malversations
qui pourraient le mener tout droit en prison. L’intrigue financière, qui évoque
le récent et très bon Margin Call
(J.C. Chandor, 2011) ou le tout aussi récent mais plus sous-estimé The Company Men (John Wells, 2010), se
double d’un suspense policier : parti pour se mettre au vert avec sa
maîtresse, Miller a un accident de voiture ; sa compagne est tuée et il
quitte les lieux sans demander son reste
-- faisant du coup l’objet d’une
enquête criminelle menée par un flic obstiné mais pas très regardant sur les
méthodes (Tim Roth).
L’intérêt de toute l’affaire tient à
ce que les différents fils du récit finissent par composer un portrait au
vitriol d’une certaine Amérique contemporaine, mais sans jamais tomber dans la
caricature ni le manichéisme primaire. Pour salaud, malhonnête et tordu qu’il
soit, Miller manifeste aussi le souci de protéger les siens (sa famille comme
ses employés) et même de respecter certains engagements altruistes, comme de
veiller sur Jimmy, le fils de son ancien chauffeur (Nate Parker). Et à
l’inverse, ceux dont on attend qu’ils incarnent des valeurs positives -- le
policier qui le traque, sa femme victime de ses frasques extraconjugales et
même Jimmy qui finit par se laisser acheter
-- se révèlent finalement tout
aussi retors et dénués de scrupules. Ainsi Jarecki refuse-t-il à son spectateur
toute identification possible et ne cesse de le surprendre en l’amenant
régulièrement à changer son opinion sur les personnages qu’il lui donne à voir.
Bref, sans prétendre vouloir casser la baraque et sur un sujet assez
voisin, Arbitrage en dit plus et mieux que Le Capital , reprenant à son compte le fameux dialogue de Billy
Wilder (je sais, je me répète) : « -- Tout le monde est-il
corrompu ? -- Je ne connais pas
tout le monde. »
Plus habile scénariste que
réalisateur véritablement inspiré, Jarecki se contente d’une mise en scène
certes irréprochable mais un peu trop plate et passe-partout, dénuée pour tout
dire de réelle personnalité. Limitant apparemment son apport au minimum
syndical, il s’appuie délibérément sur le beau travail de Yorick Le Saux (le
chef-opérateur français est décidément un excellent produit d’exportation) et
plus encore sur des acteurs qu’il dirige
d’ailleurs très bien. Tous sont excellents, et notamment Tim Roth
étonnant dans un rôle de policier un peu trop sûr de son bon droit. Il est
évidemment bien trop tôt pour hasarder le moindre pronostic sur la carrière
future de Nicholas Jarecki, mais gardons son nom dans un coin de mémoire --
avec prudence, bien sûr, en l’attendant au tournage.
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