Réédition de L’Etrange
Créature du lac noir (The
Creature from the Black Lagoon), de Jack Arnold (1954).
Amusante idée (peut-être due au seul
hasard) de rééditer ce petit film fantastique des années 50, en noir et blanc
mais avec option 3D en prime, au moment où nous arrive par ailleurs le Frankenweenie de Tim Burton. Il n’y a ni
mépris ni condescendance de ma part dans l’utilisation du qualificatif petit, qui se rapporte d’abord à la
modicité d’un budget visiblement étriqué. Une poignée d’acteurs peu connus, un
unique décor d’extérieur (le lagon du titre original) et tout le reste filmé en
studio (avec transparences), à l’exception notable de prises de vues
sous-marines dont le film fait un usage immodéré --
normal, me direz-vous, pour une production qui met en vedette une
créature amphibie.
Il serait assez vain d’aborder le
film, au demeurant médiocre, d’une façon anachronique, en le comparant
notamment à ce que sont devenus de nos jours des genres aussi sollicités que le
fantastique et la science-fiction. Bénéficiant désormais de budgets
confortables quand ils ne sont pas colossaux, ces genres réputés secondaires
avaient à peine droit de cité dans l’Amérique des années 50 et 60. C’était
l’époque où un Roger Corman pouvait tourner n’importe quel film de cette nature
en quelques jours seulement et avec des bouts de ficelles. Il existait
cependant un public pour ces films, souvent des teenagers enthousiastes, et L’Etrange
Créature rencontra un succès tel que deux suites tout aussi médiocres
furent réalisées (La revanche de la
Créature/Revenge of the Creature, 1955, du même Jack Arnold, et La Créature est parmi nous/The Creature
Walks Among Us, 1956, de l’obscur John Sherwood).
Il faut beaucoup d'indulgence,
disons-le, pour trouver un intérêt autre que purement historique à cette
production sans charme, très platement filmée (un comble pour un film en
3D !), surjouée par des acteurs de second ordre et dont les péripéties
sans surprises effraient moins qu’elles n’amusent. Comme dans King Kong, la bête succombe finalement
aux charmes de la belle (Julia Adams) qui se prend pour Esther Williams dans
les eaux du lagon noir -- comme quoi une apparence monstrueuse peut
cacher un cœur de midinette. C’est plus au niveau de son influence qu’on
pourrait presque dire occulte qu’un tel film nous intéresse aujourd’hui. Il est
certain que ce cinéma-là, naïf et bricolé, a forgé l’imaginaire d’une partie
des cinéastes du nouvel Hollywood, qui s’en sont nourris entre pop-corn et
coca-cola, de Burton à Spielberg en passant par Lucas. En forçant un peu et si
l’on est de bonne humeur, on peut même apercevoir
très vaguement derrière cette créature venue du fond des âges la silhouette
autrement plus impressionnante du monstrueux extra-terrestre de la série Alien.
Jack Arnold a bénéficié pendant
assez longtemps aux yeux des aficionados
du cinéma fantastique d’une réputation pour le moins surfaite. Un seul de ses
films relevant du genre me paraît tenir à peu près la route, The Incredible Shrinking Man (L’Homme qui rétrécit, 1957), et encore
mon opinion repose-t-elle sur des souvenirs très lointains. S’il devait passer
à la postérité, ce serait peut-être plutôt pour The Mouse That Roared (La
Souris qui rugissait, 1960), comédie à l’anglaise où Peter Sellers tient
plusieurs rôles à la façon d’Alec Guinness dans Noblesse Oblige (Kind Hearts
and Coronets, Robert Hamer, 1949)
-- film qui lança sa carrière et
qu’il faudrait revoir. Mais, nostalgie mise à part, Jack Arnold mérite-t-il
vraiment d’être redécouvert ?
Tout à fait d'accord avec vous concernant L’Etrange Créature du lac noir, particulièrement soporifique.
RépondreSupprimerEt, d'après moi, The Mouse That Roared est également surévalué. J'ai eu l'occasion de voir ce film il y a moins d'un an avec des amis, tous alléchés par la perspective d'un Peter Sellers cabotinant dans de multiples rôles.
Nous avons été particulièrement déçus, tant par l'humour assez pitoyable que par la réalisation quelconque.
Merci pour votre commentaire et vos précisions sur « La Souris qui rugissait ». Mes souvenirs sur ce dernier film sont très, très, très lointains et je crains bien de partager votre déception le jour où (peut-être) je le reverrai. Les films se jugeant en appel comme j’aime bien le dire, il y a malheureusement plus de révisions déchirantes qu’enthousiasmantes. Et, sans vouloir m’acharner sur lui, Jack Arnold n’est assurément pas de ces cinéastes pour lesquels une réévaluation paraît devoir s’imposer.
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