Astérix
et Obélix : au service de Sa Majesté, de Laurent Tirard (2012).
Parce qu’on aime bien et depuis
longtemps les aventures d’Astérix en bandes dessinées (du moins celles écrites
par l’excellent René Goscinny) ; parce qu’après l’échec retentissant du
précédent opus une revanche s’imposait ; parce que se trouvent ici réunis,
d’Edouard Baer à Bouli Lanners, quelques comédiens dont l’humour très personnel
promettait de nous sortir des sentiers battus ; parce qu’il aurait été
heureux et bien venu qu’un vrai grand succès populaire vienne conclure une
rentrée particulièrement faste, en termes qualitatifs, pour le cinéma
hexagonal ; pour toutes ces raisons et quelques autres qui tiennent au
plaisir tout simple de rire sans arrières pensées d’aucune sorte, on aimerait
dire le plus grand bien d’un film qui propose rien moins que l’adaptation de deux des plus mémorables
albums de la série, « Astérix chez les Bretons » et « Astérix et
les Normands ».
L’échec de l’entreprise, car c’est
bien d’un échec qu’il s’agit ici, pas déshonorant certes mais bien réel, tient
sans doute au fait que les auteurs (Laurent Tirard, le réalisateur, et Grégoire
Vigneron, son coscénariste) ont voulu jouer sur deux tableaux bien distincts
sans jamais trouver le ton et le tempo qui auraient pu les unir en un tout harmonieux.
Soit donc d’une part la coloration burlesque attendue, celle de l’esprit de la
bande dessinée qu’Alain Chabat avait su en son temps parfaitement saisir et
dépasser (Astérix et Obélix :
Mission Cléopâtre, 2001), et d’autre part une curieuse volonté de tirer les
personnages vers une sorte de comédie de mœurs où l’humain percerait sous la
caricature. Ainsi le ton raisonneur d’Astérix prend-il rapidement le dessus
justifiant de lourdes considérations pontifiantes sur l’amitié qui réchauffe le
cœur ou l’espoir qui arme les Bretons à défaut de potion magique, gommant du
même coup tout ce que l’habituel humour décalé d’un Edouard Baer (mal à l’aise
dans le rôle et bien mieux utilisé naguère par Chabat) pouvait apporter de
nouveau au personnage. On a bien du mal au surplus à s’intéresser à toutes les
intrigues plus ou moins secondaires qui parcourent le film et dans lesquelles
il s’enlise bien souvent, ralentissant d’autant plus l’action que bon nombre de
répliques ou d’effets comiques (les anachronismes par exemple) tombent à
plat --
même lorsque sont convoqués de façon incongrue une poignée de Normands
(sans drakkar toutefois) menés par un Bouli Lanners qu’on a lui aussi connu en
meilleure forme.
Certes la dimension cartoonesque n’est pas ici totalement
évacuée, et les baffes du cher Obélix ont encore droit de cité, on ne saurait
trop s’en féliciter. Mais contaminées semble-t-il par le rythme languissant d’un
ensemble qu’on dirait tout juste dopé au five
o’clock tea quand un bon vieux whisky (écossais il est vrai) aurait su
donner des ailes à un récit singulièrement plombé. Là où l’on attendait le peps survitaminé d’un Tex Avery ou d’un
Chuck Jones on ne nous propose guère qu’un bout à bout d’effets pas toujours
heureux, une suite de saynètes sans réelle unité et, cerise sur le gâteau, une
absence de mise en scène confondante. Une fois de plus c’est aux acteurs qu’il
revient de sauver la mise, d’autant que sur ce point la production n’a pas regardé
à la dépense -- jusque dans les apparitions en caméo de Jean Rochefort ou Gérard Jugnot. Mais si
certains dominent leur sujet de la tête et des épaules (Gérard Dapardieu et
Valérie Lemercier, sans l’ombre d’un doute) beaucoup semblent tâtonner en quête
de personnages qu’on n’a malheureusement pas pris la peine de doter d’un
minimum d’épaisseur (Guillaume Gallienne, Fabrice Luchini, Vincent Lacoste ou
Catherine Deneuve). Les uns paraissent n’être jamais dirigés quand les autres
se dirigent tout seuls, unique solution pour s’en tirer sans dommages dans ce
type de situation. Les troisièmes couteaux enfin, essentiels pour le coup (qu’on
se souvienne seulement de Gérard Darmon dans l’opus chabatien), brillent
surtout par leur absence alors même que l’embarquement des Normands dans l’aventure
aurait pu donner lieu à d’intéressants développements --
autres en tous cas que les facéties un peu longuettes d’un Dany Boon
métamorphosé en gentleman breton suite
à une variante artisanale et primitive du traitement Ludovico (citation
cinéphilique, il en fallait bien une, de l’Orange
Mécanique de Kubrick).
Il serait assurément faux de dire
que l’on ne rit pas ici ou là, mais on reste le plus souvent de marbre, c’est
le cas de le dire, devant un spectacle trop long et répétitif. On sait depuis
Molière et peut-être même Plaute qu’il est beaucoup plus difficile de faire
rire que de faire pleurer et que l’art de la comédie est un grand art trop
souvent négligé -- d’ailleurs, combien de comédies (je parle de
comédies réussies) ont bénéficié de
ces hochets que sont les Lions, Ours ou Palmes d’or, pour ne pas parler des
Césars et autres Oscars ? Une fois de plus il nous est ici prouvé que si
le rire est le propre de l’homme, il n’est pas la chose la mieux partagée au
cinéma.
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