Elle
s’appelle Ruby (Ruby
Sparks), de Jonathan Dayton et Valerie Faris (2012).
Sans doute se souvient-on encore du
précédent et premier film réalisé par le tandem Faris-Dayton, Little Miss Sunshine. C’était une comédie
très enlevée, avec des personnages bien dessinés, un heureux enchaînement de
situations originales, un humour plutôt délicat et, pour finir, une mise en
scène assez passe-partout. Bref, le type même du film de scénariste où les
réalisateurs assurent tant bien que mal sans chercher midi à quatorze
heures. Après un silence de six ans,
Faris et Dayton remettent le couvert, cette fois sur un scénario de Zoe Kazan
(la fille de Nicholas et la petite-fille d’Elia) mais d’une qualité nettement
inférieure à celui de Michael Arndt pour Little
Miss Sunshine.
Ruby n’existe pas, bien qu’une
pétillante jeune comédienne l’incarne avec bonheur -- Zoe
Kazan elle-même, plus convaincante comme actrice que comme scénariste. Elle
n’est que le fruit de l’imagination d’un jeune romancier en panne d’écriture,
Calvin (Paul Dano), sorte de grand Duduche allénien. Il y a d’ailleurs quelque
chose d’un Manhattan version côte
ouest dans le portrait de cet écrivain, héritier de l’Isaac Davis imaginé en
1979 par Woody Allen, alors au faîte de son talent -- un personnage qui était une
« île à soi-même » et à qui l’on conseillait d’«avoir un peu foi en
autrui». Calvin lui ressemble comme un fils. Incapable semble-t-il de
s’intéresser aux autres, il rêve d’une femme idéale qui finit par prendre vie
et à mener sous le nom de Ruby une existence autonome mais que Calvin, moderne
Pygmalion, peut modeler à sa convenance. Il lui suffit de s’installer devant sa
machine à écrire et de rédiger quelques phrases succinctes pour la plier à tous
ses caprices.
C’était une excellente idée
d’adapter le mythe de Pygmalion à la culture nord-américaine où un
psychanalyste (Elliott Gould, excellent) tient lieu de dieu de l’Olympe. Reste
cependant qu’une bonne idée ne suffit pas pour faire un bon film, c’est bien
connu, et que Zoe Kazan peine quelque peu à développer son sujet, même si elle
parvient ponctuellement à réussir quelques bonnes scènes. Cette irrégularité
dans l’écriture, que le peu d’épaisseur des personnages et le manque de brio
des dialogues accentuent encore, nuit forcément à l’attention du spectateur, et
l’on se surprend ici ou là à se laisser gagner par un léger ennui.
Non qu’il s’agisse cependant d’un
film indigne. Mais la richesse du sujet autorisait des développements autrement
plus intéressants. D’autant que les acteurs sont bons et jouent avec une très
réelle conviction -- même si Annette Bening et Antonio Banderas en
font un peu trop dans leurs rôles de vieux hippies anachroniques. Mais là
encore, ils pâtissent de la faiblesse d’un scénario qui les réduit à l’état de
clichés, et c’est dommage. Autre vieux briscard, Elliott Gould s’en sort
beaucoup mieux, bénéficiant, lui, de scènes bien écrites et qui sonnent
justes -- peut-être les meilleures, un peu noyées parmi
tant de platitudes et de redites. Tout le film ressemble finalement à sa
dernière scène, charmante mais conventionnelle et sans surprise -- autant
dire sans le moindre relief.
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