Damsels
in Distress, de Whit Stillman (2011).
Whit Stillman tourne apparemment
très peu -- quatre films seulement en plus de vingt ans
et le dernier en date, Les Derniers jours
du disco (The Last Days of Disco)
remonte à 1998. Doit-on le déplorer ? J’avoue à ma grande honte n’en avoir
vu aucun -- mais Damsels
in Distress, sa dernière réalisation, ne m’incite guère à découvrir les
autres.
Le titre sonnait pourtant
agréablement, comme l’écho lointain d’une comédie musicale des années 30 appartenant
à la fabuleuse galaxie astairienne
-- mais sans Ginger Rogers (A Damsel in Distress/Une Demoiselle en
détresse, George Stevens, 1937). Le film lorgne d’ailleurs ostensiblement
vers la danse en général, la comédie musicale en particulier, et notamment le
grand Fred Astaire -- les claquettes étant ici explicitement
présentées comme un antidépresseur sans effets secondaires, et pourquoi non ?
Cependant, la damsel du film de 1937
cède ici le pas à une forme plurielle puisque Stillman s’intéresse à quatre
filles étudiantes dans une université très chic de la côte est qui pourrait
être une des Sept Sœurs[1]
-- son nom, Seven Oaks, ne laissant d’ailleurs
pas d’être transparent. Considérations existentielles et émois sentimentaux
servent de fil conducteur ténu à une sorte de chronique nonchalante d’un
intérêt pour le moins limité.
On comprend très vite que le
cinéaste, lui-même pur produit de la côte est et diplômé d’Harvard, avance
résolument sur les brisées de Woody Allen, mais sans en avoir la verve
sarcastique, et ses dialogues, certes très écrits mais d’une consternante
vacuité, évoquent bien plutôt le ton artificiel et résolument bas-bleu de ceux
d’Eric Rohmer. Rapprochement confondant mais qui devrait plutôt satisfaire
Stillman : ne s’imagine-t-il pas encore en 2011 qu’un étudiant français rêve toujours devant
le Truffaut de Baisers volés ou le
Godard d’A bout de souffle ?
Tant de candeur naïve dans le snobisme serait presque rafraîchissant.
Non seulement tous les personnages
du film parlent à peu près pour ne rien dire, mais, pistés par une caméra
paresseuse, ils paraissent errer comme des âmes en peine à travers un campus
très bon chic bon genre mais où il ne se passe rien -- et
pour cause : on a oublié d’écrire un scénario. Toute l’intrigue se résume
à des échanges à peu près stériles entre un troupeau de bovins sexistes et une
volière de perruches sentencieuses. Autant dire que, après un premier quart d’heure
qui fait vaguement illusion, le malheureux spectateur sombre bien vite dans un
heureux sommeil réparateur -- j’exagère à peine.
Il y a de cela bien des années
maintenant (c’était en 1963), une romancière typique de l’intelligentsia
libérale de la côte est, Mary McCarthy, écrivit l’histoire de quelques filles
étudiantes dans une université très chic (Vassar, une des Sept Sœurs). Le livre
s’intitulait «Le Groupe », il fut rapidement adapté au cinéma par Sidney
Lumet, et on y songe presque tout au long de cet accablant pensum. Roman et
film, en dépit de tous leurs défauts, proposaient une approche d’une toute
autre qualité dans la description qu’ils faisaient, chacun à leur manière, d’un
groupe d’intellectuelles snobs saisies entre leurs aspirations personnelles et
leur environnement social et politique. On ne manquera pas de me dire que je
souhaitais voir un autre film que celui que Whit Stillman a voulu faire.
Peut-être, mais au fait quel film a-t-il voulu faire et qu’on ne voit pas sur l’écran ?
Car ce qu’on y voit, franchement…
[1] Les Sept
Sœurs sont un regroupement de sept prestigieuses universités féminines
américaines de la côte est et dont il
semble qu’une seule (Vassar) soit devenue mixte.
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