Tous
les espoirs sont permis (Hope
Springs), de David Frankel (2012).
Pouvait-on décemment s’attendre à
une bonne surprise de la part du médiocre David Frankel dont le seul titre de
gloire à ce jour reste d’avoir obtenu un gros succès commercial avec Le Diable s’habille en Prada (The Devil Wears Prada, 2006) --
film par ailleurs oubliable et qui valait surtout pour, déjà, la
performance de Meryl Streep ? On ne change pas un tandem qui gagne ont du
se dire les producteurs. Aussi retrouve-t-on ici la même Meryl Streep, flanquée
cette fois de Tommy Lee Jones sur sa droite et, face à elle, dans le rôle du
psy qui se propose de rafistoler leur couple devenu bancal avec l’âge, un Steve
Carell nettement en retrait, pas mauvais d’ailleurs mais un peu sacrifié et qui
se contente de renvoyer la balle avec talent.
Ciblant un public plus ou moins senior mais estimé encore sémillant
(merci pour lui), le scénario aborde sur un mode qui se veut audacieux la crise
de la soixantaine vécu par un couple marié depuis plus de trente ans. Crise
pour crise, celle-ci vaut bien celle de la quarantaine, largement illustrée au
cinéma, et pas toujours avec bonheur
-- à ceci près que ce n’est pas
le démon de je ne sais quelle heure qui taraude Tommy Lee Jones mais une espèce
d’asthénie affective et sexuelle. Rien qu’une bonne thérapie de couple ne
puisse redresser, si j’ose m’exprimer ainsi. Confidences intimes difficiles à
exprimer ou exercices un peu scabreux prescrits par le bon docteur Carell --
autant de moments amusants mais tout compte fait assez convenus. Car si
les promoteurs de l’entreprise n’ignorent pas que les sexagénaires
d’aujourd’hui sont bien plus libérés que ceux d’hier, le produit qu’ils leur
proposent n’en apparaît pas moins très soigneusement calibré pour ne déplaire à
personne.
C’est qu’il s’agit de ratisser large,
business oblige, et donc de mesurer
au millimètre près des audaces d’une prudence telle que l’ensemble perd très
vite de son sel pour tomber dans les pires conventions. Ainsi, quand l’apparition
finale et assez drôle d’une voisine, objet des fantasmes de Tommy Lee Jones,
laisse espérer des prolongements un tantinet salaces, le scénario vole aussitôt
à la rescousse de la morale en terminant pendant
le générique de fin, comme en manière de repentir, sur une apologie du
mariage et de la fidélité conjugale d’une affligeante mièvrerie.
On ne manquera pas d’objecter que
c’est, depuis toujours, l’apanage du cinéma hollywoodien que de courir à la
remorque des valeurs les plus conventionnelles, pour ne pas dire les plus
conservatrices. Outre le caractère un peu court d’une remarque qui ignore la
dimension discrètement subversive de tout un pan de ce cinéma souvent moins
sage qu’on le prétend, c’est oublier qu’à l’âge d’or hollywoodien on négligeait
rarement d’écrire des scénarios inventifs et des dialogues brillants avant
d’emballer le tout dans une mise en scène enlevée. Rien de tel ici où chacun se
garde bien d’apporter la moindre once d’originalité à une soupe plutôt fade.
Même les acteurs paraissent
curieusement empruntés et pas vraiment à leur place. Ne parlons pas de Steve
Carell, qui a d’autant moins à faire que son personnage n’existe pas, mais Tommy
Lee Jones, pas très bien dirigé (ou plutôt livré à lui-même, c’est pire), nous
inflige une fois encore son personnage de bougon grognon cachant des trésors de
sensibilité sous une rude écorce -- ouf ! On n’y croit pas un seul instant,
et c’est d’autant plus regrettable que ce type de comédie repose en grande
partie sur la capacité des acteurs à donner vie et épaisseur à leurs
personnages. Il ne reste guère que Meryl Streep pour sauver la mise : elle
seule, en très grande comédienne qu’elle est, permet à son rôle de desperate housewife d’aller un peu (très
peu) au-delà des limites qu’un scénario sans surprise aimerait lui imposer. N’empêche
qu’il lui manque malgré tout cette étincelle de fantaisie qu’une Katherine
Hepburn aurait su faire jaillir d’un tel rôle. Mais à l’impossible…
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