Ted,
de Seth MacFarlane (2012).
Il n’y a pas loin d’une vingtaine
d’années maintenant que sont apparues les premières comédies bêtes et potaches
(mais pas méchantes pour deux sous) des frères Farrelly (Dumb and Dumber en 1994), suivies aussitôt par celles, tout aussi
lourdes et vulgaires (les avis sont partagés sur ce dernier point), de Judd
Apatow. Sans doute est-ce bien de ce côté-là que Seth McFarlane a été chercher
son inspiration pour Ted, mais en
partie seulement. Car, l’anthropomorphisme de l’ours en peluche aidant, il est
difficile de ne pas voir se profiler à l’arrière-plan (MacFarlane venant lui-même du dessin animé)
les silhouettes de Garfield, le chat paresseux imaginé par Jim Davis, et
surtout de Fritz le Chat, héros, dans les années 60, des bandes dessinées undergrounds de Robert Crumb, adaptées
au cinéma en 1972 par Ralph Bakshi
-- le premier film d’animation classé
X et interdit aux enfants.
Ted, je parle de l’ours en peluche
lui-même, n’a rien non plus d’un objet qu’il serait recommandé de mettre entre
des mains juvéniles, même si toute l’histoire commence à la façon d’un conte de
Noël (parodique certes) avec l’ours en peluche du petit John Bennett, huit ans,
qui s’anime et se met à marcher pour
devenir son « meilleur ami pour la vie ». L’affaire se corse
sérieusement quand, en grandissant, ou plutôt en vieillissant, Ted en vient à
mener une vie de patachon, jurant,
draguant, buvant et entretenant avec le plus grand soin son « matos pour
fumette ». John, lui, bien que devenu adulte en apparence (c’est Mark
Wahlberg, impeccable), se refuse en fait à grandir et préfère buller avec Ted
en regardant Flash Gordon dans la
version kitschissime de Mike Hodges
-- eh oui, le réalisateur de
l’excellent Get Carter (La Loi du milieu, 1971) : comme
disait l’autre, personne n’est parfait et il faut bien vivre.
Difficile dans ces conditions de
mener une vie d’adulte, et à trente-cinq ans, John n’est guère plus qu’un
marmot monté en graine vivant dans un monde de rigolade permanente. C’est avec
une délectation non dissimulée que, bien épaulé par son teddy bear, il cultive une régression infantile qui le ramène au
stade anal : on imagine sans peine les échanges et les péripéties qui
s’ensuivent, dans un registre pipi-caca-boudin très affirmé. Tout cela
fonctionne plutôt bien et si quelques saillies ( !) tombent parfois à
plat, on rit assez souvent, emporté par un délire verbal très inventif que les
sous-titres ont d’ailleurs quelque peine à suivre. Du lourd, assurément, assez
drôle cependant -- d’un rire qu’on pourrait qualifier
« d’époque » mais qui, craignons-le, risque de s’éroder très vite et
de mal vieillir.
Inutile d’ailleurs de chercher ici
la moindre critique du système comme MacFarlane aimerait peut-être le laisser
croire -- une critique qui donnerait à son propos une
certaine épaisseur. Le refus de grandir de John ne signifie nullement qu’il
renonce au monde contemporain et à la société qui va avec. On est bien loin de
ce rejet de l’ordre établi et du bon goût affiché jadis par Robert Crumb dans
le sillage des beatniks et de la
contre-culture. Les temps ont changé, c’est sûr, et bien que velléitaire (mais
sa petite amie a du caractère pour deux), John en arrive à faire ce qu’on
attend de lui -- grandir, avec pour corollaire : se marier. Rejoignant
curieusement Tous les espoirs sont permis
(un titre français qui conviendrait tout aussi bien ici), c’est sur une très
conventionnelle apologie du mariage que s’achève ce film si mal élevé par
ailleurs. Il est fini le temps des amis pour la vie et de la rigolade, semble
nous dire MacFarlane, il faut maintenant tourner la page, rentrer dans le rang
et ne plus faire de vagues. Cynisme, lucidité ou nostalgie ?
Tout cela évoque singulièrement la série télévisée australienne Wilfred, créée par Jason Gann et dont un remake américain (avec Elijah Wood) est diffusé depuis trois ans sur la chaîne FX. Je vous laisse en découvrir un aperçu :
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