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Rush, de David Koepp (2012).
On doit à David Koepp l’écriture des
scénarios de quelques mémorables blockbusters relevant peu ou prou de
l’étrange, du fantastique voire de la science-fiction, pour Steven Spielberg (Jurassic Park, 1993, et La Guerre des mondes/War of the Worlds,
2005, entre autres), Brian De Palma (de L’Impasse/Carlitto’s
Way à Snake Eyes, 1998) ou David
Fincher (Panic Room, 2002) et la
réalisation d’une poignée de films de formats nettement plus modestes et pas
désagréables à l’arrivée, illustrant tous ses genres favoris (Réactions en chaîne/The Trigger Effect,
son coup d’essai en 1996, Hypnose/A Stir
of Echoes, 1999, ou encore Fenêtre
secrète/Secret Window, 2004) jusque dans leurs variations les plus comiques
(Ghost Town/La Ville fantôme, 2008).
Avec Premium Rush, son dernier opus,
qui met en scène dans les rues de New-York les (més)aventures d’un coursier à
bicyclette particulièrement véloce, il
abandonne son domaine de prédilection pour une manière de thriller urbain filmé
quasiment en temps réel et sur un rythme trépidant --
mais d’où l’étrange et le fantastique ne sont pas totalement absents
tant ces personnages de coursiers, véritables kamikazes à deux roues, semblent
évoluer dans un monde parallèle qui défie les lois de la gravitation.
Soit donc un jeune coursier à vélo,
Wilee (Joseph Gordon-Levitt), le meilleur de tous, le plus rapide, le plus
acrobatique, le plus suicidaire aussi peut-être, qu’on charge de transporter
une enveloppe d’un bout à l’autre de Manhattan. Mission banale en soi qui se
transforme en cauchemar quand un flic pourri de dettes et particulièrement
vindicatif (Michael Shannon) décide de s’emparer du pli mystérieux qui devient
dès lors l’enjeu d’une course-poursuite particulièrement essoufflante.
Course-poursuite qui est en fait la seule et unique raison d’être du film,
sachant que le contenu de l’enveloppe et ce qui s’y rattache n’offrent qu’un
intérêt très secondaire. Un comble pour un scénariste qui néglige son histoire au
point d’en rendre les ressorts dramatiques négligeables voire carrément
discutables quand ils débouchent sur un sentimentalisme humanitaire démagogique
avec la malheureuse dissidente chinoise qui cherche à récupérer son fils en
fraude et doit payer des passeurs pour ce faire.
Mais, ceci expliquant sans doute cela, ce
qui intéresse le cinéaste ce n’est pas le pourquoi,
c'est-à-dire l’objet du film, son prétexte, son McGuffin pour reprendre un
terme hitchcockien qui convient à merveille
(Wilee n’a-t-il pas littéralement « la mort aux trousses » ?),
mais le comment, autrement dit la
façon dont il va mettre en scène une aussi longue poursuite en en renouvelant
régulièrement les péripéties. Ainsi la forme même du film en devient-elle le
sujet et, plutôt que scénariste, Koepp doit se faire avant tout gagman. On ignore souvent qu’un gag peut
être aussi bien un effet comique que dramatique, et c’est un habile mélange des
deux que propose le cinéaste, transformant son film en une sorte de long dessin
animé déchaîné. Ce n’est assurément pas pour rien qu’il donne à son personnage
principal le nom de Wilee, qui est aussi, à peine transformé (il s’appelle en
fait Wile E.), celui de l’affreux coyote imaginé par le génial Chuck Jones (Vil
Coyote en français) qui ne cesse de concevoir des pièges sophistiqués pour
attraper Bip Bip, le road runner -- Road Runner étant d’ailleurs le nom
d’une des entreprises de coursiers qui rameute ses troupes à la fin du film.
Donner au good guy un nom de méchant n’est jamais qu’un gag de plus dans un
film qui n’en manque pas et où ledit good
guy remet finalement les pendules à l'heure en victimisant à tour de bras un
méchant que Michael Shannon interprète avec une délectation caricaturalement
sadique. Multipliant les péripéties les plus invraisemblables, accumulant les
effets les plus cartoonesques, Koepp
parvient certes à compenser ses coups de freins intempestifs en relançant
régulièrement la cadence de son récit, mais il aurait dû suivre le credo
technique de Wilee : pignon fixe et pas de freins. A trop vouloir donner
d’explications (oiseuses au surplus), le scénariste bride trop souvent le
joyeux délire imaginé par le réalisateur. Regrettons que cette querelle
schizophrénique nuise un peu au plaisir du spectateur.
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