Camille
redouble, de Noémie Lvovsky (2012).
Qui n’a jamais rêvé de revivre une
partie de sa vie pour en corriger les défauts (ou ce que l’on croit tel) à
l’aune de l’expérience acquise par la suite ? Tout en sachant qu’il suffit
peut-être de modifier un élément de sa vie, aussi modeste soit-il, pour qu’elle
s’en trouve toute entière changée. Je ne sais quel crédit il faut accorder au
fameux « effet papillon » et la Camille de Noémie Lvovsky n’en a d’ailleurs
cure puisque, à l’évidence, son retour vers le passé ne changera rien à un
futur qui se conjugue en fait au présent. Peut-être cependant la cinéaste
aurait-elle dû rendre au passage à Coppola ce qui lui revient de droit tant il
est difficile de ne pas penser à tout ce que cette Camille de 2012 doit à sa
Peggy Sue de 1986 (Peggy Sue s’est
mariée/Peggy Sue Got Married).
Camille, donc, actrice à la
quarantaine cabossée et toujours en quête d’une panouille, un peu trop portée
sur la bouteille et en situation de douloureuse rupture conjugale (c’est Noémie
Lvovsky elle-même qui assume le rôle avec courage), Camille se retrouve
projetée vingt-cinq ans en arrière, au cœur des années 80 --
peut-être par la grâce d’un horloger magicien qui lui règle sa montre
avec une seconde de retard sur le temps universel. Ainsi retrouve-t-elle ses
parents (morts depuis), sa chambre d’adolescente, ses copines de lycée et son
futur mari rencontré au détour d’une salle de permanence. On imagine facilement
les développements qui s’ensuivent.
Il y a d’abord le décalage entre les
époques et la légère reconstitution qu’il suppose --
effet comique d’autant plus garanti que Noémie Lvovsky a choisi de ne
pas se rajeunir tout en s’habillant à la façon, forcément un peu risible
aujourd’hui, d’une minette de ces années-là. Il y a ensuite le jeu sur les
retrouvailles qu’une aussi fantastique situation peut susciter. Retrouvailles
nostalgiques, avec toutes les traces (chansons, affiches, objets) d’un temps
perdu qui refait brusquement surface ; retrouvailles sentimentales avec
les êtres chers qui d’un seul coup revivent sous nos yeux et qu’on se promet
cette fois, c’est juré, d’aimer comme il faut et de ne pas décevoir. La
possibilité qui nous est en somme offerte de corriger le passé pour assurer un
avenir meilleur. Et cet avenir meilleur, pour Camille, encore sous le choc de
sa catastrophe sentimentale, passe (pense-t-elle) par une autre vie amoureuse,
une vie qu’elle veut plus intense dans son nouveau présent pour ménager
l’avenir -- mais un avenir d’où sera alors exclue sa
future fille, peut-être ce qu’elle a fait de mieux dans sa vie, on voit le
dilemme. Impossible cependant de réécrire l’histoire : elle ne parviendra
pas à sauver la vie de sa mère, en dépit des examens médicaux que sa
connaissance du futur lui permet d’imposer, pas plus qu’elle n’échappera à un
mariage qui se révélera désastreux. Un épilogue apaisé laisse planer un certain
doute sur l’avenir : quand un retour en arrière ne permet pas de changer
l’avenir, autant laisser la vie suivre son cours naturel. On pourra y déceler,
selon son humeur, une forme de fatalisme désenchanté ou une leçon de sagesse.
On voit que le sujet ne manquait pas
d’intérêt. D’où vient alors l’espèce d’insatisfaction que l’on ressent une fois
le film terminé, cette impression d’avoir vu le récit partir dans de multiples
directions sans parvenir à en choisir une, en somme de manquer cruellement d’un
point de vue qui structurerait tout à
la fois scénario et mise en scène ? Ainsi assiste-t-on à une juxtaposition
de scènes, quelques unes très réussies, atteignant à une émotion certaine,
d’autres au contraire complètement ratées, sans que jamais le film ne parvienne
à trouver son unité. La faute assurément à cette croyance, assez communément
répandue dans le cinéma français depuis les années 60 et la Nouvelle Vague, qui
veut qu’une suite d’idées plus ou moins bonnes suffit à créer une progression
dramatique, que la mise en scène (ou ce qui en tient lieu) suivra et qu’il
n’est guère besoin d’aller chercher au-delà d’une spontanéité garante de
naturel et d’authenticité. Ainsi en arrive-t-on à faire fausse route et à
s’égarer avec les meilleures intentions du monde. Bref, et pour filer la
métaphore scolaire que le titre du film induit et illustrer l’incomparable
poésie des bulletins trimestriels : des qualités mais peut mieux faire.
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