Kill
List, de Ben Wheatley (2012).
Un rapide détour parisien m’a permis de
voir quelques films sortis ces dernières semaines et qui n’étaient pas parvenus
jusqu’à ma provinciale retraite d’été. Il y a d’ailleurs là, soit dit en
passant, une situation de l’exploitation cinématographique proprement
scandaleuse -- j’y reviendrai peut-être un jour prochain. Kill List est le premier du lot, sorti
il y a presque un mois et accueilli plutôt favorablement par une critique
généralement indifférente à ce genre de production, à mi-chemin du polar et du
film fantastique mais en même temps (fidèle en cela à une certaine tendance du
cinéma britannique) sensible aux réalités sociales et à leurs manifestations quotidiennes.
Bref, les ingrédients me paraissaient réunis (sur le papier du moins) pour une
découverte intéressante, un peu dans le
sillage de Get Carter (La Loi du Milieu, Mike Hodge, 1971), d’Harry Brown (Daniel Barber, 2010) ou du
récent Tyrannausor (Paddy Considine,
2011) ; la déception n’en a été
que plus vive.
Seconde réalisation d’un cinéaste relativement
jeune (il est né en 1972), dont la première (Down Terrace, 2009) demeure inédit de ce côté-ci de la Manche, le
film démarre plutôt bien, qui met en scène une sorte de mercenaire au chômage,
Jay (Neil Maskell), baroudeur passé par l’Irak, soldat de fortune devenu tueur
à gages et, semble-t-il, quelque peu déséquilibré. Les relations qu’il
entretient avec sa femme relèvent d’un combat permanent digne de Qui a peur de Virginia Woolf ?, et
Wheatley filme leurs échanges orageux en gros plans heurtés que brise encore
davantage un montage syncopé et pour le moins hétérodoxe, censé traduire la
situation de crise que vivent les personnages. Pourquoi pas après tout,
d’autant que s’installe durablement une tension palpable quand Jay et son
copain et alter ego Gal (Michael
Smiley) acceptent un contrat (la fameuse kill
list) qui va les entraîner dans une aventure à la fois obscure et
sanglante -- c’est un euphémisme.
Reste que très vite, au fur et à mesure
que les deux compères comprennent qu’ils sont prisonniers d’une mécanique qui
leur échappe (ils ne sont que des pions dans un jeu qui les dépasse),
l’entreprise révèle ses limites : l’étude des deux vétérans de l’Irak,
sans doute détruits par des expériences traumatisantes dont on ne saura
d’ailleurs rien, se révèle un simple prétexte pour ouvrir grande la porte à
toutes les complaisances, et il n’en manque pas ici. Complaisance d’un récit
qui, s’échappant des limites d’une intrigue criminelle a priori prometteuse, se laisse aller à des effets gore difficilement supportables et finit
par se perdre dans les méandres filandreux d’une narration qui tourne à
l’absurde puis au grand-guignol. Wheatley termine ainsi son film dans une sorte
d’hommage lourdement appuyé à une petite production d’horreur de la Hammer des
années 70, interprétée par le grand Christopher Lee, et devenue
« culte » depuis lors (The
Wicker Man, Robin Hardy, 1973)
-- suite de séquences qui se
veulent paroxystiques mais finissent par se déliter dans un ridicule assez
dérisoire. On sait que reconstituer des cérémonies plus ou moins sataniques
n’est pas chose aisée au cinéma : Polanski s’y est quelque peu brûlé les
ailes dans La Huitième Porte (The Ninth Gate, 1999) et Kubrick lui-même a frôlé l’abime
dans Eyes Wide Shut (1999).
Non pas d’ailleurs que Ben Wheatley
manque de savoir-faire. Mais ce savoir-faire lui-même, bien présent tout au
long du film, trahit en fait un goût prononcé pour l’esbroufe bien plus que la
volonté de mettre en place une fiction policière riche de connotations
sociales. On regrettera d’autant plus ce festival d’effets aussi gratuits que
racoleurs, et finalement assez nauséabonds, que tous les acteurs embarqués dans
cette galère sont excellents, comme les comédiens britanniques savent l’être le
plus souvent, et témoignent d’une très réelle force de conviction. Seuls leur performance et leur courage
justifieraient d’aller voir un tel film
-- dont on peut cependant
raisonnablement se dispenser.
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