Dias
de gracias, de Everardo Gout (2011).
Il y a décidément quelque chose de
pourri au royaume du Mexique. La presse s’en fait certes fréquemment l’écho mais
le cinéma mexicain, lui, enfonce le clou avec une délectation morbide. Police corrompue,
guerre des gangs, prostitution triomphante, industrie du kidnapping et bien
sûr, cerise sur le gâteau, drogue à tous les étages, rien ne manque à ce
festival de noirceur absolue et de violence paroxystique où hommes et bêtes
sont réduites à l’état d’objets dans un grand pandémonium barbare. Présenté
hors-compétition au festival de Cannes 2011, Dias de gracias s’inscrit dans ce courant, y compris hélas sur le
plan esthétique.
Everardo Gout, dont c’est le premier
long métrage, revendique d’emblée sa filiation avec un mode de récit
labyrinthique où différentes histoires se développent en parallèle avant de se
rejoindre plus ou moins arbitrairement, héritage tant du roman picaresque
espagnol que du réalisme magique de la littérature latino-américaine. Le film s’ouvre
d’ailleurs sur une citation de Gabriel Garcia Marques qui veut qu’une histoire
n’existe que lorsqu’elle est racontée. Pas plus mauvais qu’un autre, le
scénario développe trois histoires disposées sur trois axes temporels distincts,
eux-mêmes scandés par trois coupes du monde de football (2002, 2006 et 2010) --
idée plutôt heureuse quand on sait le poids du ballon rond dans le monde
sud-américain. Se trouvent ainsi emportés dans ce qui se veut une sorte de
fresque à la fois métaphorique et réaliste sur l’évolution du Mexique contemporain,
quelques personnages (policiers, hommes d’affaires, mafieux) que seule réunit
la déliquescence d’une société gangrénée par la cupidité, la violence et le
mal, et devenue comme folle. Mais, tortueux et torrentueux à l’image des
événements qu’il prétend donner à voir, le récit finit par emmêler les
différents fils qui le composent, en dépit d’astuces visuelles et narratives
(format d’écran, musiques, etc.) pourtant destinées à les distinguer, tant et
si bien qu’il s’égare très vite et le spectateur avec lui.
Le pire de l’affaire tient cependant
aux partis pris de mise en scène (si tant est qu’un tel terme convienne ici)
qui, loin de clarifier l’exposé des faits, en renforce au contraire le caractère
artificiel et alambiqué. Formé à la détestable école des clips musicaux, le
cinéaste en rajoute dans l’enflure et la boursoufflure, confondant esbroufe et virtuosité.
Images tremblotantes et recadrages approximatifs pour faire croire à un
documentaire saisi sur le vif, multiplication de plans subjectifs, montage
heurté, bande-son hypertrophiée avec musique pompeuse et envahissante --
Gout kidnappe le spectateur et lui impose plus de deux heures durant un écœurant
barnum branché d’où il sort au bord
de la nausée et incapable de s’y retrouver dans une entreprise finalement plus
démagogique qu’autre chose, où le poids des mots n’est que vaine rhétorique et
le choc des images surenchère dans l’ostentation et la complaisance.
A voir aujourd’hui ce Dias de gracias quelques semaines
seulement après Miss Bala , dans le
sillage des films de Alejandro Gonzalez Inarritu et en attendant Carlos Reygadas
et son Post Tenebras Lux (prix de la
mise en scène à Cannes cette année), on peut se demander si les cinéastes
mexicains actuels, jeunes pour la plupart, ne privilégient pas un cinéma au
formalisme forcené et complaisant, pour ne pas dire racoleur -- un
cinéma qui tourne désespérément à vide mais qui paraît plaire à certains qui
ont ainsi vu dans Dias de gracias
(très bien accueilli lors de sa présentation à Cannes en 2011) « un
travail visuel et sonore ludique, lucide et inventif »[1].
Vous avez dit mise en scène ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire