17 juin 2012

Une Blanche Neige en armure.


Blanche Neige et le chasseur (Snow White and the Huntsman), de Rupert Sanders (2012).

            Quelques soixante-quinze ans après le dessin animé ultra célèbre des studios Disney (qui fut aussi, en 1937, leur premier film de long métrage), le mythe de Blanche Neige, appelons-le comme ça, connaît ces temps derniers un brusque renouveau avec pas moins de deux productions aux budgets pour le moins confortables et qui proposent des versions sérieusement révisées (mais pourquoi pas ?) du célèbre conte des frères Grimm. Après une adaptation que l’on dit à tendance kitsch[1] (je n’y suis pas allé voir, et certaines connaissances m’ont dit que j’avais bien fait), c’est donc  une variation du type heroic fantasy qui nous est aujourd’hui présentée (dixit la publicité) comme un film « du producteur d’Alice aux pays des merveilles », comprenez l’Américain Joe Roth (lui-même réalisateur de quelques films peu mémorables, sauf peut-être l’amusant Couple de stars/America’s Sweethearts, 2001). Comme le film de Tim Burton n’est pas de ses meilleurs, on pouvait donc à bon droit s’inquiéter. A tort, disons-le tout net.


            Ce type de film, à peu près aussi vieux que le cinéma américain et dont Autant en emporte le vent[2] reste le maître-étalon, exige certes de son réalisateur un minimum de savoir-faire (c’est le moins) mais surtout beaucoup d’humilité dans ses relations avec un producteur en fait seul maître à bord, présent en amont et en aval du projet, qui en contrôle toutes les phases et choisit lui-même l’ensemble de ses collaborateurs  --  metteur en scène compris. C’est donc bien en vain que l’on cherchera dans ce type d’entreprise très encadrée la marque d’un auteur, et sans vouloir insulter l’avenir, il y a de grandes chances pour que Rupert Sanders, qui vient semble-t-il de la publicité (où de même l’originalité du cinéaste compte moins que son savoir-faire), il y a de grandes chances donc pour qu’il mène une carrière sans éclat (mais non sans réussites parfois : voire Lasse Hallström et son dernier film, Des Saumons dans le désert ) de mercenaire docile aux ordres de producteurs démiurgiques.

            Tout cela pour dire que ce n’est pas vraiment par la qualité de sa réalisation fonctionnelle, d’une facture sans doute fidèle au cahier des charges initial, que ce film-ci retient l’attention. Il y a surtout l’idée de départ qui consiste à transporter l’univers des frères Grimm dans le monde de l’heroic fantasy façon Narnia ou Seigneur des anneaux. Idée astucieuse d’ailleurs, avec l’éternelle lutte du mal contre le bien, certes présente dans le conte, mais qui prend ici une autre dimension. Le personnage de la méchante reine devient une sorcière paranoïaque qui pratique une magie noire ouvrant de larges perspectives sur des péripéties nombreuses et des morceaux de bravoures spectaculaires, le numérique opérant évidemment les miracles que l’on imagine. Charlize Theron, comme en vacances, semble éprouver un plaisir ludique à endosser un rôle particulièrement porteur où elle peut se laisser aller dans la noirceur et la vilénie sans que nul ne lui reproche des excès de cabotinage. Le scénario, lui, suit vaille que vaille le canevas d’origine et distille ses scènes dans des décors qui portent fortement l’empreinte des contes et légendes (le château, la forêt obscure et menaçante, le domaine enchanté avec ses créatures magiques)  --  bien soutenu sur ce point par un excellent travail de direction artistique. Tel quel, le film fonctionne donc plutôt bien alors même qu’on pouvait craindre qu’il souffre de l’hétérogénéité des éléments qui le composent.  Notamment dans sa dernière partie qui mêle Robin des Bois (version Ridley Scott), pour la bataille finale où l’on côtoie une Blanche Neige en armure, et tragédie shakespearienne, avec le couronnement de la jeune reine qui marque le retour à l’ordre naturel des choses.

            Ajoutons à tout cela, et pour terminer, une distribution impeccable, avec une Kirsten Stewart qui mène un début de carrière intelligemment varié et un Chris Hemsworth bien plus convaincant et à son aise que dans Thor (Kenneth Branagh, 2011) ou Avengers . Et sans oublier bien sûr les sept nains, tous un peu déprimés, et dans la peau desquels on repère avec plaisir, et en dépit de leur maquillage, quelques valeurs sûres et confortables du cinéma britannique (Bob Hoskins, Toby Jones, Eddie Marsan  --  le mari jaloux de Tyrannausor   --  et Ray Winston entre autres).

Alors, au bout du compte, pourquoi bouder son plaisir ?



[1] Blanche Neige/Mirror Mirror, de Tarsem Singh (2012).
[2] Gone with the Wind (1939) reste bien davantage un film du producteur David O. Selznick que du réalisateur Victor Fleming (sachant au surplus que Georges Cukor et Sam Wood ont travaillé chacun quelques semaines sur le film).

1 commentaire:

  1. Du côté des séries télévisées, cette saison a vu pas moins de deux séries consacrées aux personnages de "contes-de-fées" sous forme de relectures contemporaines : Grimm sur NBC, et Once Upon A Time sur ABC. Décidément, il y a des modes comme ça...

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