Blanche
Neige et le chasseur (Snow
White and the Huntsman), de Rupert Sanders (2012).
Quelques soixante-quinze ans après
le dessin animé ultra célèbre des studios Disney (qui fut aussi, en 1937, leur
premier film de long métrage), le mythe de Blanche Neige, appelons-le comme ça,
connaît ces temps derniers un brusque renouveau avec pas moins de deux
productions aux budgets pour le moins confortables et qui proposent des
versions sérieusement révisées (mais pourquoi pas ?) du célèbre conte des
frères Grimm. Après une adaptation que l’on dit à tendance kitsch[1]
(je n’y suis pas allé voir, et certaines connaissances m’ont dit que j’avais
bien fait), c’est donc une variation du
type heroic fantasy qui nous est
aujourd’hui présentée (dixit la publicité) comme un film « du producteur
d’Alice aux pays des merveilles »,
comprenez l’Américain Joe Roth (lui-même réalisateur de quelques films peu
mémorables, sauf peut-être l’amusant Couple
de stars/America’s Sweethearts, 2001). Comme le film de Tim Burton n’est
pas de ses meilleurs, on pouvait donc à bon droit s’inquiéter. A tort,
disons-le tout net.
Ce type de film, à peu près aussi
vieux que le cinéma américain et dont Autant
en emporte le vent[2]
reste le maître-étalon, exige certes de son réalisateur un minimum de
savoir-faire (c’est le moins) mais surtout beaucoup d’humilité dans ses
relations avec un producteur en fait seul maître à bord, présent en amont et en
aval du projet, qui en contrôle toutes les phases et choisit lui-même l’ensemble
de ses collaborateurs -- metteur en scène compris. C’est donc bien en
vain que l’on cherchera dans ce type d’entreprise très encadrée la marque d’un
auteur, et sans vouloir insulter l’avenir, il y a de grandes chances pour que
Rupert Sanders, qui vient semble-t-il de la publicité (où de même l’originalité
du cinéaste compte moins que son savoir-faire), il y a de grandes chances donc
pour qu’il mène une carrière sans éclat (mais non sans réussites parfois :
voire Lasse Hallström et son dernier film, Des
Saumons dans le désert ) de mercenaire docile aux ordres de producteurs
démiurgiques.
Tout cela pour dire que ce n’est pas
vraiment par la qualité de sa réalisation fonctionnelle, d’une facture sans
doute fidèle au cahier des charges initial, que ce film-ci retient l’attention.
Il y a surtout l’idée de départ qui consiste à transporter l’univers des frères
Grimm dans le monde de l’heroic fantasy
façon Narnia ou Seigneur des anneaux. Idée astucieuse d’ailleurs, avec l’éternelle
lutte du mal contre le bien, certes présente dans le conte, mais qui prend ici
une autre dimension. Le personnage de la méchante reine devient une sorcière
paranoïaque qui pratique une magie noire ouvrant de larges perspectives sur des
péripéties nombreuses et des morceaux de bravoures spectaculaires, le numérique
opérant évidemment les miracles que l’on imagine. Charlize Theron, comme en
vacances, semble éprouver un plaisir ludique à endosser un rôle
particulièrement porteur où elle peut se laisser aller dans la noirceur et la
vilénie sans que nul ne lui reproche des excès de cabotinage. Le scénario, lui,
suit vaille que vaille le canevas d’origine et distille ses scènes dans des
décors qui portent fortement l’empreinte des contes et légendes (le château, la
forêt obscure et menaçante, le domaine enchanté avec ses créatures
magiques) -- bien soutenu sur ce point par un excellent
travail de direction artistique. Tel quel, le film fonctionne donc plutôt bien
alors même qu’on pouvait craindre qu’il souffre de l’hétérogénéité des éléments
qui le composent. Notamment dans sa
dernière partie qui mêle Robin des Bois
(version Ridley Scott), pour la bataille finale où l’on côtoie une Blanche
Neige en armure, et tragédie shakespearienne, avec le couronnement de la jeune
reine qui marque le retour à l’ordre naturel des choses.
Ajoutons à tout cela, et pour
terminer, une distribution impeccable, avec une Kirsten Stewart qui mène un
début de carrière intelligemment varié et un Chris Hemsworth bien plus
convaincant et à son aise que dans Thor
(Kenneth Branagh, 2011) ou Avengers .
Et sans oublier bien sûr les sept nains, tous un peu déprimés, et dans la peau
desquels on repère avec plaisir, et en dépit de leur maquillage, quelques
valeurs sûres et confortables du
cinéma britannique (Bob Hoskins, Toby Jones, Eddie Marsan -- le
mari jaloux de Tyrannausor -- et
Ray Winston entre autres).
Alors, au bout du compte, pourquoi bouder
son plaisir ?
Du côté des séries télévisées, cette saison a vu pas moins de deux séries consacrées aux personnages de "contes-de-fées" sous forme de relectures contemporaines : Grimm sur NBC, et Once Upon A Time sur ABC. Décidément, il y a des modes comme ça...
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