5 juillet 2013

Une bonne surprise et une belle réussite.



The Bay, de Barry Levinson (2013).

            Il y a des films que l’on n’attend pas, que l’on pourrait même négliger par inadvertance  --  et The Bay est assurément l’un d’eux. A soixante-dix ans passés (il est né en 1942), après une carrière de scénariste, producteur et metteur en scène riche et abondante, largement récompensée sinon toujours convaincante, on pouvait légitimement penser Barry Levinson revenu de tout, plus attentif à suivre la carrière de son fils Sam (Another Happy Day , 2011) qu’à tenter l’aventure d’un film novateur (pour lui), incisif et mené hors des entiers battus. C’est pourtant ce qu’il fait ici avec une production bien plus qu’intéressante et rien moins que routinière  --  sans doute, dans sa simplicité et sa modestie apparentes, un de ses meilleurs films.

            Riche et passionnant, The Bay l’est à plusieurs égards. Il y a d’abord le sujet lui-même, qui parvient à donner un sens politique particulièrement fort à ce qui n’aurait pu être qu’un film horrifique et sanguinolent de plus et aussi banal que tant d’autres. A partir d’une histoire de contagion meurtrière où une petite communauté de la côte est des Etats-Unis est décimée par un parasite mutant contenu dans l’eau et qui dévore les habitants de l’intérieur, Levinson dénonce sans effets de manches mais avec efficacité les ravages des excès industriels, des dérives de la politiques et de l’avidité économique  --  le tout sur fond de pollution massive et de mépris pour tout ce qui peut être préoccupations écologiques. Et l’entreprise gagne d’autant plus en puissance que le cinéaste se refuse à tout discours didactique ou moralisateur. Il organise son film à la façon d’un faux documentaire plus vrai que nature, bout à bout de documents vidéo réunis par une apprentie journaliste et présentés de manière totalement neutre et behaviouriste. C’est le second intérêt majeur du film que d’adopter avec une rare pertinence ce type de narration où l’on retrouve pêle-mêle images de vidéo surveillance, séquences filmées à chaud par la jeune journaliste, échanges par le biais de Skype, bribes saisies par des téléphones portables ou de petites caméras à usage familial. A aucun moment Levinson ne cherche à gommer les défauts techniques des images qu’il donne à voir (images tremblées, parfois floues, voire dégradées et aux couleurs incertaines), expliquant même parfois leurs défauts  --  et, de façon étonnante et paradoxale, le produit fini témoigne d’une maîtrise totale et réfléchie de la mise en scène (car tout est bien entendu reconstitué et donc totalement artificiel) et de la direction d’acteurs dont on peine à penser qu’il s’agit justement d’acteurs et non d’habitants bien réels d’une petite ville imaginaire du Maryland.

Contrairement à tous ces films à la mode qui, du Projet Blair Witch (The Blair Witch Project, Daniel Myrick et Eduardo Sanchez,1999) à Paranormal Activity (Oren Peli, 2009) en passant par leurs suites et autres avatars, ont mis à la mode, et non sans succès d’ailleurs, cette technique du found footage qui prétend n’utiliser que des images récupérées, The Bay ne paraît à aucun moment fabriqué mais fait montre au contraire d’un réalisme parfaitement convaincant  --  en dépit des effets horrifiques assez cronenbergiens dont Levinson se prive d’autant moins que son film s’inscrit résolument dans un genre dont il respecte toutes les contraintes. Aussi cette osmose réussie entre réalité et fiction, où se mêlent documents prétendument bruts et outils ordinaires de la terreur débouche-t-elle in fine sur une réflexion très adulte (troisième point d’intérêt) autour de la tyrannie de l’image et de la communication instantanée que subit notre époque.

            En ces temps de vaches plus que maigres où les films un tant soit peu intéressants se comptent depuis le début de l’année sur les doigts d’une seule main, on ne saurait bouder son plaisir devant une surprise aussi belle qu’inattendue.

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