The
Grandmaster (Yi
dai zong shi), de Wong Kar-Wai (2013).
Habitué des festivals et choyé par
la critique, Wong Kar-Wai me paraît être un des cinéastes contemporains les
plus surestimés -- jugement, comme il se doit, qui n’engage que
moi. Ajouterai-je, histoire d’aggraver mon cas déjà désespéré et quitte à passer
pour un iconoclaste irresponsable, que In
the Mood for Love (2000) est à mes yeux un des films les plus surfaits de
ces quarante ou cinquante dernières années ? C’est cependant avec un
véritable et sincère intérêt que je suis allé découvrir The Grandmaster, plutôt curieux de voir ce que pouvait donner la
rencontre du cinéaste avec ce que l’on appellera, faute d’un terme plus précis,
le film de kung fu. Et le résultat, curieusement hybride, n’est pas pleinement
satisfaisant, même s’il n’est pas toujours désagréable.
Il se trouve en effet, de façon
assez logique me semble-t-il, que l’esthétique des arts martiaux reposant sur
une sorte de style chorégraphique très codifié correspond assez bien à
l’écriture très alambiquée du cinéaste. Ce qui n’était ailleurs qu’afféteries
chichiteuses s’inscrit ici dans une certaine logique -- au
moins dans les scènes de combat, heureusement nombreuses. Wong Kar-Wai ne fait
certes pas mieux que d’autres cinéastes qui se sont frottés au genre (Ang Lee,
Zhang Yimou, Tsui Ark ou le grand ancêtre King Hu) mais au moins ne fait-il pas
plus mal.
Ainsi prend-on un certain plaisir à
toutes les scènes de combat, Wong Kar-Wai s’inspirant au surplus de façon très
nette du cinéma de Sergio Leone -- gros plans, dilatation du temps et même
illustration musicale avec reprise au passage d’un thème de Il était une fois en Amérique (C’era una volta in America, 1984), pas
le plus connu il est vrai. Reste cependant que le cinéaste, tout entier
mobilisé par la forme, a oublié d’écrire un scénario digne de ce nom.
S’intéressant à la vie et l’œuvre de Ip Man, un maître des arts martiaux qui
forma jadis Bruce Lee et qui a fait l’objet de plusieurs films récents, Wong
Kar-Wai peine à nous intéresser à des péripéties qu’il rend (volontairement ?)
erratiques, préférant composer de belles images plutôt que de se préoccuper de
la cohérence de son récit (le scénario aurait été quasiment écrit au jour le
jour, pendant le tournage, ai-je lu quelque part). On le regrettera d’autant
plus que Ip Man a connu et subi jusqu’aux années 50 toutes les convulsions
d’une histoire chinoise aussi riche que dramatique. Mais c’est bien en vain
qu’on en chercherait les échos dans ce film où le cinéaste s’égare dans la
contemplation narcissique de son propre brio.
A force de refuser la moindre ligne
de force narrative, l’ensemble, qui s’étire laborieusement sur plus de deux
heures, se dilue rapidement dans une forme d’ennui distingué, dans un jeu
certes d’une grande élégance formelle mais gratuit et vain. A l’image des chorégraphies du wing chun, belles et fascinantes mais dont le sens finit par nous
échapper.
«In The Mood For Love» est la seule fois de ma vie où je me suis endormi dans une salle de cinéma -- c’est le seul souvenir que je garde du film, et c’est sans doute mieux ainsi. Quant à sa suite (ou remake ? ressucée serait peut-être le meilleur terme) intitulée «2046», j’avais fini par quitter la salle à la quinzième fois où se fait entendre le motif musical abject et sirupeux joué (très faux) à l’alto. Quant au présent film, l’affiche laissait augurer quelque chose d’intéressant mais le nom du réalisateur a suffi à m’en détourner.
RépondreSupprimerJ'aime le "premier" Wong Kar-Wai, celui de "nos années sauvages" et, surtout, de "Happy Together"... Lorsque l'esthétique, certaine, des images, cadrages, photographies, etc., était au service d'un certain regard. J'ai eu l'impression (et cela est valable pour nombre de réalisateurs venus de "loin") que, peu à peu, il était devenu un réalisateur "exotique" travaillant pour l'exportation...
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