Comme
des frères, d’Hugo Gélin (2012).
Fils de Xavier Gélin, mort
prématurément il y a quelques années déjà et qui fut acteur et surtout
producteur, et petit-fils de Danièle Delorme et de Daniel Gélin, excusez du
peu, Hugo Gélin (né en 1980) est assurément tombé dans le cinéma quand il était
tout petit. Aussi, bon sang ne sachant mentir, propose-t-il aujourd’hui, après
deux courts métrages, un premier film d’autant plus plaisant que le mois de
novembre aura été, au moins cinématographiquement parlant, plutôt morne et tristounet.
Non pas d’ailleurs que l’objet du
film soit particulièrement réjouissant : après la mort de Charlie (Mélanie
Thierry), ses trois meilleurs amis prennent la route pour se rendre en
Corse --
un voyage qu’ils s’étaient promis de faire à quatre et que la jeune
femme, dans un message post-mortem,
leur demande de faire à trois. Des liens très forts unissaient ces trois-là à
Charlie, compagne, amie ou grande sœur, et ils se lancent donc dans une sorte
de road movie picaresque, avec tours,
détours, mésaventures et rencontres. C’est là que se tient en fait le sujet du
film, dans le portrait de ces trois zozos entre deuil et réminiscences et
celui, en creux, forcément plus estompé, de Charlie, évoquée en une suite de flashbacks
d’une réelle sensibilité.
Inutile, sur des sujets finalement
voisins, d’écraser Hugo Gélin en le comparant au Mankiewicz de La Comtesse aux pieds nus (The Barefoot Contessa, 1954) ou plus
récemment au Chéreau de Ceux qui m’aiment
prendront le train (1998). C’est beaucoup plus modestement du côté de Un éléphant ça trompe énormément et de
sa suite, On ira tous au paradis
(Yves Robert, 1976 et 1977) qu’il lorgne ici avec sa bande de copains
unanimistes -- Yves Robert lorgnant lui-même, la complicité
de Jean-Loup Dabadie aidant, vers le Sautet de Vincent, François, Paul et les autres (1974) ou de Mado (1976). Ainsi a-t-on affaire à un
cinéma d’acteurs, une espèce qu’Hugo Gélin connaît bien et dont il sait obtenir
le meilleur. Il y a certes d’abord le brio de ses trois acteurs principaux,
François-Xavier Demaison, Nicolas Duvauchelle et surtout Pierre Niney, une
vraie découverte ; chacun joue sa partition dans un registre différent -- le
chef d’entreprise sérieux et un peu beauf, celui qui écrit des scénarios pour
la télé et a du mal à trouver un équilibre dans sa vie personnelle, enfin
l’adolescent monté en graine --, sans jamais chercher à tirer la couverture à
soi. Mais, au-delà, Mélanie Thierry apparaît ici bien plus convaincante que
dans La Duchesse de Montpensier, le
très décevant dernier film de Bertrand Tavernier (2010) et figurent autour
d’eux quelques acteurs remarquables venus faire trois petits tours par
amitié -- Florence Thomassin, Philippe Laudenbach ou
encore Micheline Presle, grande dame toujours très en forme et (pour
l’anecdote) qu’on peut encore croiser comme spectatrice dans quelques salles du
Quartier Latin.
Mais il ne suffit pas de réunir des
acteurs de talent ; encore faut-il leur donner du grain à moudre
-- autant dire des personnages
qui méritent qu’on s’intéresse à eux et des dialogues de qualité. Un vrai sens
de l’écriture en somme, vertu qui se fait par trop rare dans le cinéma français
contemporain et qu’on est plutôt content de trouver ici. Le scénario n’insiste pas
sur la partie la plus risquée de l’histoire (la maladie et la mort d’une jeune
femme) qu’il évoque de façon allusive en évitant tout pathos ; c’est davantage
sur les trois copains qu’il se concentre, avec un équilibre très subtil (aucun
n’est privilégié au détriment des deux autres) et sachant mêler leurs
personnalités très différentes en un tout harmonieux mais non dénué pour autant
d’aspérités, comme le sont en général les « choses de la vie ».
Toutes les qualités dont fait preuve
cet agréable coup d’essai ne se retrouvent pas hélas au niveau d’une mise en
scène décevante qui oscille constamment entre application scolaire et effets
voyants, ne parvenant que trop rarement à trouver le ton juste. Mais des
dialogues brillamment écrits et qui, eux, sonnent justes parviennent à faire
oublier cette absence de style dans l’écriture cinématographique --
ajoutant encore au plaisir simple mais sincère que l’on goûte à cette
odyssée douce-amère.
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