Il
y a maintenant plus de cinquante ans que ceux que l’on a appelé les
« jeunes turcs » de la Nouvelle Vague, d’abord comme critiques,
essentiellement dans les Cahiers du Cinéma
et pour quelques uns d’entre eux (Truffaut notamment) dans l’hebdomadaire
culturel Arts, puis comme cinéastes,
décrétèrent qu’il existait deux sortes de cinéma français, l’un ancien,
académique, obsolète, péjorativement baptisé « cinéma de la qualité
française », l’autre jeune, novateur, libre, rejetant les recettes
anciennes (ainsi les vieilles ficelles de l’adaptation littéraire[1])
et qu’ils prétendaient incarner. Cette dichotomie absurde, qui a plus nui au
cinéma français qu’elle ne lui a rapporté (sauf pour Truffaut et ses amis qui
ont atteint le but qu’ils s’étaient fixés : prendre la place des anciens
et faire carrière à leur tour), cette dichotomie donc perdure encore aujourd’hui
au sein d’un cinéma français qui se veut l’héritier de la Nouvelle Vague et que
soutient contre vents et marées une certaine frange de la critique. Critique
qui prétend régner en maître des colonnes des Cahiers du Cinéma (vieille histoire d’héritage) à celles du Monde en passant par Libération, Les Inrockuptibles, France Culture ou le site Slate (avec le blog de Jean-Michel Frodon, ancien rédacteur en chef
des Cahiers) ; critique pour qui l’histoire du cinéma français commence et
s’achève avec cette Nouvelle Vague devenue semble-t-il l’alpha et l’omega de
toute création cinématographique ; critique enfin qui a ses dieux et ses
prophètes, ses génies généralement maudits (Leos Carax figure en bonne place
dans ce curieux Panthéon) et ses penseurs dont on ne saurait faire l’économie --
Serge Daney étant la référence quasi obligatoire et une pincée de
Douchet, Deleuze et/ou Barthes ne pouvant qu’enrichir le tableau.