Il
y a maintenant plus de cinquante ans que ceux que l’on a appelé les
« jeunes turcs » de la Nouvelle Vague, d’abord comme critiques,
essentiellement dans les Cahiers du Cinéma
et pour quelques uns d’entre eux (Truffaut notamment) dans l’hebdomadaire
culturel Arts, puis comme cinéastes,
décrétèrent qu’il existait deux sortes de cinéma français, l’un ancien,
académique, obsolète, péjorativement baptisé « cinéma de la qualité
française », l’autre jeune, novateur, libre, rejetant les recettes
anciennes (ainsi les vieilles ficelles de l’adaptation littéraire[1])
et qu’ils prétendaient incarner. Cette dichotomie absurde, qui a plus nui au
cinéma français qu’elle ne lui a rapporté (sauf pour Truffaut et ses amis qui
ont atteint le but qu’ils s’étaient fixés : prendre la place des anciens
et faire carrière à leur tour), cette dichotomie donc perdure encore aujourd’hui
au sein d’un cinéma français qui se veut l’héritier de la Nouvelle Vague et que
soutient contre vents et marées une certaine frange de la critique. Critique
qui prétend régner en maître des colonnes des Cahiers du Cinéma (vieille histoire d’héritage) à celles du Monde en passant par Libération, Les Inrockuptibles, France Culture ou le site Slate (avec le blog de Jean-Michel Frodon, ancien rédacteur en chef
des Cahiers) ; critique pour qui l’histoire du cinéma français commence et
s’achève avec cette Nouvelle Vague devenue semble-t-il l’alpha et l’omega de
toute création cinématographique ; critique enfin qui a ses dieux et ses
prophètes, ses génies généralement maudits (Leos Carax figure en bonne place
dans ce curieux Panthéon) et ses penseurs dont on ne saurait faire l’économie --
Serge Daney étant la référence quasi obligatoire et une pincée de
Douchet, Deleuze et/ou Barthes ne pouvant qu’enrichir le tableau.
Ainsi le dernier festival de Cannes
avec une abondance de films de jeunes cinéastes, ou prétendus tels, et la
sortie récente de La Filles du 14 juillet,
d’Antonin Peretjatko, ont-ils été l’occasion pour ces critiques nostalgiques de
célébrer l’arrivée d’une sorte de nouvelle Nouvelle Vague annoncée en grande
pompe par le journal Le Monde dans
son supplément consacré à Cannes (« Gaillarde est la nouvelle
garde », dans le numéro daté du 15 mai 2013) avec des films dont on décrit
les conditions de financement plutôt difficiles (mais sans insister sur
l’argent public dont ils bénéficient
-- un détail assurément) et dont
on vante l’inévitable fraîcheur qui excuse tout
-- en opposition sans doute au
parfum rance que dégagent les productions qu’on jugera plus
« classiques », qualificatif évidemment honni. De tous les films
évoqués dans l’article en question (article signé Isabelle Régnier et, faut-il
le préciser ?, aussi enthousiaste que complaisant), un seul est sorti à ce
jour (le 5 juin dernier), et peut donc être jugé sur pièces, La Filles du 14 juillet.
D’entrée de jeu, les
« parrains » du film (puisque certains films bénéficient désormais de
« parrains » qui leur attribuent ainsi une sorte de
« label ») annoncent la couleur en forme de réseau d’influence à la
limite de la caricature. Ainsi y retrouve-t-on les Cahiers du Cinéma, Libération,
Les Inrockuptibles et France Culture
qui s’était déjà illustré voici peu en soutenant Les Coquillettes de
Sophie Letourneur -- autre « cinéaste » (les guillemets
s’imposent) rattachée à cette nouvelle Nouvelle Vague. Ne manque à l’appel que Le Monde, qui se rattrape cependant très
bien en consacrant au film (numéro daté du 5 juin) une page entière (critique
et rencontre avec le « cinéaste », excusez du peu) où l’enthousiasme
déborde à chaque ligne. Non que l’on cache au futur spectateur une vérité qui
lui sautera à la figure dès les premières minutes du film, sorte de comédie de
vacances « réalisée » n’importe comment (là encore les guillemets
s’imposent) entre copains, mais on en célèbre au contraire les défauts (c’est,
je cite, « foutraque » et « débraillé ») qui deviennent
autant de vertus puisqu’il s’agit à l’arrivée d’«un film libre, tout simplement».
D’où cette fraîcheur tant vantée par ailleurs.
Bref, comme le dit naïvement
( ?) le critique du Monde (Franck
Nouchi, lui aussi ancien rédacteur en chef des Cahiers et que je croyais, en vieux lecteur du journal, plutôt
spécialiste des questions médicales) : « amateurs de films à l’image
léchée et de montage raccord, passez votre chemin, cet objet cinématographique
n’est pas pour vous ». Mais, en revanche, il en recommande la vision à
ceux qui aiment l’«imperfection» (je cite toujours) et ne sont pas rebutés à
« l’idée de voir un drôle de truc pas cher », ajoutant au passage que
l’on trouvera là « un zeste de Max Pécas teinté de Tchekhov » (sic).
Comble de la perversité critique (Max Pécas étant sûrement le degré zéro d’un
certain cinéma des années 50 et 60) ou
horizon ultime du snobisme bobo ? Bien qu’appartenant résolument à la
première catégorie (signe de sénilité précoce ?), j’ai donc décidé d’y aller
tout de même voir de plus près afin d’évoquer l’objet autrement que par
ouï-dire. Et je dois reconnaître que Frank Nouchi a raison : il s’agit
bien là d’un « truc » plutôt que d’un film, un « truc » ni
écrit, ni filmé, ni joué mais tout juste bricolé entre amis, effectivement du
niveau d’un Max Pecas ou, pour ce qui est des « gags », d’un Philippe
Clair, autre grand cultivateur de rutabaga (le navet du pauvre) dans les années
70 --
mais pour Tchekhov, on voudra bien repasser.
On ne sait par quel mystérieux tour
de magie une telle chose existe -- partiellement financé, j’y insiste quitte à
passer pour le poujadiste de service, par de l’argent public (état et
collectivités locales). Un des jeunes « cinéastes » célébrés dans le
supplément cannois l’explique : « On a la responsabilité de se bouger,
de faire, quitte à rater. (…) Rester dans son canapé à ne rien à faire, écrire
son petit scénario et attendre, c’est hideux ! ». Et le résultat,
lui, n’est-il pas « hideux » ? Mais vous n’y comprenez rien,
pauvre vieil imbécile (pour ne pas dire plus), me répond-on à peu près dans le
portrait qui accompagne la critique[2]
et où l’on apprend qu’Antonin Peretjatko est un adepte de la « souplesse
et (de l’) inventivité ». Et, précise-t-on, « si ses films fleurent
si bon l’amateurisme » (ben voyons !), c’est qu’il est un « perfectionniste --
pour ne pas dire un maniaque du contrôle » qui se réfère à l’Orson
Welles d’Othello et ses
« champs/contre-champs filmés à différents points de la planète » (on
croit rêver) et bien que résolument autodidacte (qui s’en étonnera ?) le jeune
homme ajoute, sans rire : « J’ai fait Louis Lumière[3]
parce que je ne me voyais pas réaliser des films sans connaître la prise de
son, le montage… ». Ce qui permet à « ce garçon aux yeux rêveurs[4]
de résister aux techniciens quand leurs propositions ne lui plaisent pas, et
d’inventer le cas échéant, ses propres manières de faire ». Ainsi par
exemple laisser Vincent Macaigne (un des comédiens du « truc »)
« mettre les pieds sur le volant et (…) conduire avec ses pieds », ce
qui « a rendu la scène géniale ». Mais comment donc n’y avait-on pas
pensé plus tôt, et l’on s’étonne après ça que ce grand n’importe-quoi
n’obtienne pas le succès public escompté. Une semaine après sa sortie, Le Monde déplore qu’«avec 9924 entrées,
la réjouissante Fille du 14 juillet (…)
pouvait espérer mieux avec 48 copies». Est-ce encore jouer les poujadistes
(injure facile) que de dire que pour le prix d’une place de cinéma, le public
est en droit d’attendre autre chose qu’un vague « truc » réalisée par
un amateur même pas doué pendant ses vacances d’été et avec ses copains, et qui
ne réjouira guère que les spectateurs conquis d’avance (il y en a, je peux en
témoigner ; pas très nombreux, mais il y en a) ? Et que ces réseaux
où le copinage l’emporte largement sur la lucidité critique non seulement
échouent à soutenir ce qu’ils appellent le « cinéma d’auteur » mais
finissent par détourner une partie du public
des salles obscures -- y compris pour des films d’auteur réussis.
Il est intéressant d’observer comment
le même jour Le Monde a accueilli la
sortie d’une autre production française, L’Autre
vie de Richard Kemp, de Germinal Alvarez. Rien de bouleversant dans ce
film, pas déshonorant cependant et qu’on pourrait, le contexte
fantastico-policier et la présence de Jean-Hughes Anglade aidant, rapprocher de
ces téléfilms adaptés des romans de Fred Vargas et mettant en scène le
commissaire Adamsberg -- téléfilms qui ont généralement bénéficié
d’appréciations plutôt flatteuses. Classé par le journal dans la catégorie des
films à voir (comme La Fille du 14
juillet), le film bénéficie en tout et pour tout d’une notule de neuf
lignes, pas une de plus, dont sept consacrées à un résumé de l’histoire. Quant
aux deux dernières, elles valent d’être citées intégralement :
« Un film maîtrisé dans sa mise en scène comme dans son scénario ».
Exactement en somme ce que l’on est au
moins en droit d’attendre d’une œuvre qui se veut cinématographique.
Infiniment moins soutenu que La fille du
14 juillet, L’Autre vie de Richard
Kemp a été un échec abyssal -- il n’était plus projeté que dans une seule
salle en deuxième semaine d’exploitation (quand je l’ai vu in extremis) et a complètement disparu des écrans dès la troisième.
Echec que nul journaliste n’a particulièrement regretté -- au Monde ou ailleurs.
Au-delà de ces échecs commerciaux
dont on ne saurait se réjouir (mais explicables aussi
par le nombre très excessif des sorties hebdomadaires), se manifeste là une
sorte de perversité critique pour le moins discutable : mal foutu à tous
égards et sans le moindre intérêt, La
Filles du 14 juillet enthousiasme une certaine presse soi-disant pour sa
liberté et sa fraîcheur. L’Autre vie de
Richard Kemp serait-il, comment dire ?, un film soumis (à qui, à
quoi ?) plutôt que libre, et rassis voire rance ? Cette inversion des
valeurs ne manque pas d’aplomb : imagine-t-on un critique gastronomique
vantant les mérites d’un cuisinier au métier plus qu’approximatif et proposant
des plats à base de produits douteux et accommodés à la
va-comme-je-te-pousse ?
Mais tout cela relève en fait d’un ensemble
parfaitement cohérent où l’on trouve au passage l’hommage peu justifié que la
Cinémathèque française vient de rendre à la même époque à Jean-Claude Biette.
L’œuvre de Biette, note Isabelle Régnier dans Le Monde du 12 juin, « irrigue une frange certes marginale,
mais grandissante, du cinéma français : un rapport à l’art libre[5]
et érudit, où création et réception sont liées, comme sont liées la pensée,
l’écriture et la mise en scène ». Je doute beaucoup que le cinéma de
Jean-Claude Biette, plus encore que celui de Leos Carax, mérite de passer à la
postérité, mais il est certain qu’il bénéficiera pendant un certain temps
encore (comme Carax et d’autres) du soutien d’un réseau actif (sinon très
influent en matière d’audience publique) qui se place dans la position d’une
avant-garde éclairée. Il faut dire que Biette fut critique aux Cahiers du Cinéma dans les années 60 et
co-fondateur de la revue Trafic avec
Serge Daney. Ce que ne sauraient oublier ni Serge Toubiana, directeur de la
Cinémathèque et ancien rédacteur en chef des Cahiers (encore un), ni Jean-François Rauger, programmateur de la
même Cinémathèque et journaliste au Monde.
Cette certaine idée du cinéma
français a trouvé récemment une très provisoire conclusion à l’occasion de la
polémique qui s’est développée autour des salaires des techniciens et de leur
régulation par une convention collective. Je m’étonne au passage que certains
donneurs de leçons, militants purs et durs d’une gauche à la gauche de la
gauche et prompts à monter au créneau quand il s’agit de l’industrie automobile
ou de la fabrication des conserves de petits pois, ne se disent guère choqués,
bien au contraire, de voir des travailleurs sous-payés et largement exploités
en termes d’horaires et de conditions de travail -- le
tout, bien sûr, au nom de la liberté de création, de la survie de
l’autoproclamé et sacro-saint « cinéma d’auteur » et de la fameuse
« exception culturelle ».
Ainsi, un certain François Margolin,
présenté comme réalisateur et producteur[6],
explique-t-il dans une tribune publiée par Le
Monde du 17 juillet[7]
qu’avec cette convention collective un film comme La Fille du 14 juillet n’existerait pas. On peut se demander,
histoire de passer encore une fois pour un grincheux poujadiste, si ce serait
une bien grande perte. Car être favorable à l’exception culturelle n’autorise
pas pour autant de produire des entreprises érigeant le n’importe-quoi en
principe et n’empêche nullement de s’interroger sur les conditions de travail
et de salaire des techniciens -- certains payés 30% au-dessous du tarif
syndical (dixit François Margolin
cité par Edinger dans sa réponse). Il peut être même choquant de voir des
cinéastes, qui se veulent par ailleurs résolument « progressistes »,
se réfugier derrière leur statut d’artiste (ou de soi-disant tel) pour
justifier des comportements qu’ils n’hésiteraient pas à traiter de
« voyous » en d’autres lieux et dans d’autres circonstances. Ainsi un
travailleur sera-t-il dans le même temps invité à refuser avec horreur de pactiser
avec les barons de l’industrie automobile mondialisée (pour reprendre la
phraséologie convenue) tout en devant s’estimer heureux et même fier de
participer à l’éclosion d’un nouveau chef-d’œuvre du cinéma dit
« d’auteur » tout en étant sous-payé voire maltraité -- et
tant pis pour son pouvoir d’achat et/ou sa dignité de travailleur. C’est qu’il
ne faut pas confondre torchons et serviettes, artistes et fabricants de boîtes
de petits pois comme le note, non sans mépris, François Margolin. Je préfère pour
ma part de bons petits pois (même en conserve) à n’importe quel
« film » faisandé pour lequel au surplus on m’aura fait payer le prix
fort.
Disant cela, je plaisante à peine.
La polémique récente autour du tournage de La
Vie d’Adèle le prouve aisément, où des accusations graves ont été portées
contre le réalisateur Abdellatif Kechiche, allant jusqu’à évoquer « des
comportements qui dans d’autres secteurs d’activités relèveraient sans
ambiguïté du harcèlement moral ». Beaucoup de témoignages demeurent anonymes
car, comme le souligne un article du Monde
daté du 5 juin, cette fois plus critique à l’égard des méthodes de production
et de tournage du cinéma d’auteur, « ces intermittents du spectacle
tiennent à retrouver du travail ». On mesure là toute la chaleureuse
ambiance qui règne au sein de la grande famille du cinéma français --
celle-là même qui autocélébre ses vertus chaque années lors de la remise
des Césars. Mais la conclusion sidérante de toute l’affaire, c’est un des
responsables de la production qui la donne (Abdellatif Kechiche n’ayant pas
donné suite à la demande d’entretien de la journaliste du Monde) : « … la question de l’argent n’est pas
essentielle. Elle est ailleurs : il y a eu un vrai problème de
reconnaissance, et je pèse mes mots ». Donc, si je comprends bien,
l’essentiel n’est pas de payer convenablement les techniciens mais de bien leur
faire comprendre qu’ils participent à la réalisation d’un chef d’œuvre et qu’on
leur en est infiniment reconnaissant. CQFD.
Sans doute pour mieux étayer sa
charge contre la convention collective, François Margolin termine son propos en
évoquant comme il se doit la Nouvelle Vague, parangon de toutes les vertus
cinématographiques mais qui, en quittant les studios, aurait courroucé la CGT
de l’époque, l’accusant de faire perdre des emplois --
mais aurait aussi donné un nouveau souffle (de liberté, bien sûr) au
cinéma français qui était alors « un cinéma convenu, bien pensant, dominé
par des réalisateurs dont on a oublié les noms », époque, ajoute-t-il (mais
cela allait de soi) où le cinéma français « était le moins brillant sur le
plan artistique ». Faut-il rappeler à François Margolin les noms de
quelques-uns de ces cinéastes « oubliés » qui ont précédé la Nouvelle
Vague (et au surplus pas tous détestés par Truffaut et consort) : Clouzot,
Becker, Carné, Autant-Lara, Ophuls, Clément, Cocteau (l’un vient d’être célébré
par la Cinémathèque, l’autre le sera l’année qui vient), Tati, Renoir (que
Rivette avait baptisé « le patron »), Allégret (Yves), Clair, Grémillon,
Duvivier, et d’autres encore que j’oublie, certains de plus petit calibre mais qui
ont pu tourner à l’occasion d’excellents films (un Christian-Jaque par
exemple). Tous n’ont pas réalisé que des chefs-d’œuvre, mais l’histoire du
cinéma français (que François Margolin devrait étudier de plus près) leur doit
beaucoup et sans doute même bien plus qu’à la Nouvelle Vague. « Epoque la
plus réactionnaire du cinéma français », ajoute-t-il en s’indignant que
Truffaut, Godard, Chabrol ou Rohmer ait été qualifiés de « cinéastes de
droite. Une étiquette qui leur a collé à la peau bien longtemps ».
Et pour cause, pourrait-on dire.
Mais les actuels thuriféraires de la Nouvelle Vague se voulant tous de gauche,
il est normal de voir ainsi récupérer des cinéastes dont le moins que l’on
puisse en dire est qu’ils ne penchaient pas spécialement de ce côté-là.
Truffaut ne répugnait pas dans les années 50 à dialoguer chaleureusement[8]
avec Lucien Rebatet, collaborateur notoire et antisémite frénétique, condamné à
mort à la Libération, ancien de Je suis
partout et critique de cinéma sous le pseudonyme de François
Vinneuil ; et quant à Arts, dont
il fut un des piliers les plus influents, on ne peut pas dire que, fondé par
Jacques Laurent et fréquenté par les « hussards », ce fut jamais un
brûlot gauchiste. Le Petit soldat, de
Godard, ne fut pas seulement interdit en 1960 parce qu’il mettait en scène un
déserteur à l’heure de la guerre d’Algérie, mais aussi parce que son triste
« héros » défendait des valeurs résolument fascisantes. Quant à
Rohmer homme de gauche, voilà une idée farfelue qui doit faire s’étouffer de
rire Claude Chabrol là où il se trouve
-- un Chabrol provocateur et
davantage anarchiste de droite que de gauche,
qui ne se cachait pas (il l’a confié à Bernard Pivot en 1999 lors d’un Bouillon de culture) d’avoir bien
apprécié les facéties de son pote Le Pen lors de leurs années estudiantines. Et
on pourrait multiplier les exemples sans devoir chercher trop loin.
Ainsi boucle-t-on la boucle,
revenant à ces zélateurs de la Nouvelle Vague et de ses jeunes épigones, qui se
posent davantage en gardiens du temple qu’en critiques ou historiens soucieux,
sinon d’objectivité, du moins de sérieux et de probité intellectuelle. On est
en droit d’attendre autre chose de ceux qui prétendent sauver le cinéma français --
mais quel cinéma français ?
Post-scriptum. Ce texte voudrait donner une nouvelle
direction à ce bloc-notes en préférant des réflexions sur le cinéma, son
histoire et ses auteurs plutôt qu’un empilement de critiques consacrées à des
films dont l’intérêt n’est pas toujours évident. On n’en négligera pas pour
autant l’actualité, mais sans doute sous une autre forme et assurément vue de
plus loin.
[1]
Genre qu’à leur tour ils s’empresseront d’illustrer abondamment.
[2]
Et signé Isabelle Régnier, auteur de l’article « Gaillarde la nouvelle
garde » et ancienne des Cahiers.
[3]
Ecole supérieure du cinéma héritière de la rue de Vaugirard.
[4]
Sic.
[5]
C’est moi qui souligne.
[6]
Vérification faite, on lui doit notamment la production du Serment de Tobrouk, de
Bernard-Henri Lévy, et d’Opium, d’Arielle
Dombasle (sortie en septembre).
[7]
Avec réponse de Daniel Edinger, secrétaire général des réalisateurs CGT et
signataire de la convention collective (Le
Monde du 7 août).
[8]
Dans une série d’entretiens intitulés « Le Jeune Amateur et le Vieux
Critique » et publiés dans l’hebdomadaire Dimanche-Matin.
Bonjour,
RépondreSupprimerpar beaucoup d’aspects, votre essai en forme de règlement de comptes fait plaisir à lire (même si votre "empilement de critiques" manquera sans doute à plus d’un, dont votre serviteur).
Il y aurait beaucoup à dire sur les notions d’amateurisme et, en filigrane, de légitimation que votre propos fait intervenir -- mais sans doute ne pourrais-je guère m’avancer sur le terrain sans tomber dans une démarche Barthoïde que vous semblez conspuer. Et ce d’autant plus que tout ce débat, avec l’avènement (certes galvaudé au point d’être devenu une tarte à la crème des médias branchouilles) des sites web d’hébergement vidéo, qui amènent indéniable de nouvelles formes de consommation/production culturelle, voire, oserai-je dire, de nouveaux modes d’expression et de narration.
Toutes choses laissant présager de futurs échanges intéressants dans les commentaires de votre blog quelque forme qu’il prenne :-)
Merci beaucoup pour votre commentaire.
SupprimerAu terme de « règlement de comptes », je préfère celui, non pas d’indignation (trop galvaudé ces temps-ci), mais de colère et de « ras-le-bol » face à une forme de terrorisme critique qui sévit depuis bien trop longtemps, célèbre l’amateurisme, se complaît dans l’auto-congratulation et a sans doute contribué à faire du cinéma français ce qu’il est.
Croyez-bien que je n’ai rien contre Barthes (sauf quand il s’auto-caricature, ce qui lui est arrivé assez souvent, la gloire aidant, surtout vers la fin de sa vie) mais contre l’usage qu’on en fait juste "parce que ça fait bien dans le paysage". Je suis infiniment plus réservé sur Douchet et surtout Daney qui a largement contribué jadis (dans les colonnes de "Libération" notamment) à alimenter le terrorisme critique dont je parle et dont la fortune relève surtout du marketing intellectuel et de sa complicité profonde avec les réseaux que j’évoque.
Merci enfin pour votre remarque sur mon « empilement de critiques ». Mais rassurez-vous (un peu), je compte bien garder un œil, même plus lointain, sur l’actualité.
Merci bien pour ce fort intéressant point de vue, que je rejoins sur bien des points.
RépondreSupprimerJ’ai été particulièrement agacé par toute la polémique sur la convention collective des techniciens. En même temps, elle fut assez révélatrice d’une certaine mentalité, masquée jusqu’à présent par un positionnement de gauche de façade.
Sans choquer personne, nombre de journaux et de personnalités du cinéma ont pu expliquer que l’idée d’un salaire minimum et de conditions de travail décentes étaient anormales dans le monde du cinéma ; que tout de même ces braves techniciens devraient être contents d’aider quasi bénévolement à l’expression de la Culture ; que les syndicats de techniciens n’étaient pas représentatifs parce que, mon bon monsieur, quand on discute avec les techniciens je vous assure ils sont très contents d’être payés au lance-pierres.
Et vous mentionnez l’opprobre qu’on subit certains réalisateurs du cinéma français d’avant la Nouvelle Vague (et subissent parfois encore aujourd’hui, bien que les cercles de la cinéphilie se soient élargis et que certains réalisateurs soient revenus à la lumière), mais que dire, pour mentionner un sujet qui m’intéresse, du cinéma anglais de patrimoine, crucifié par Truffaut et toujours mal connu et mal aimé aujourd’hui en France, malgré le soutien actif d’un Tavernier ?
Bien content en tout cas de votre nouvelle orientation : j’avoue que je m’intéressais surtout à vos critiques de films de patrimoine et à vos analyses plutôt qu’aux critiques de films récents (bien que j’étais toujours curieux de lire votre point de vue sur un film comme Mud).
Je vais donc suivre avec attention les articles à venir.
@Abdul: Votre commentaire sur les métiers du cinéma pourrait s’étendre à bien d’autres branches de l’audiovisuel, et plus généralement de la Culture (avec majuscule) légitimée et subventionnée. Je pense par exemple au Théâtre du Soleil...
SupprimerMerci pour votre commentaire. Je suis tout à fait d'accord en ce qui concerne le cinéma anglais. J'y reviendrai très prochainement à propos de "Ryan's Daughter", de David Lean, qui vient d'être réédité.
Supprimerbon texte, que je découvre visiblement un peu dommage...C'est dommage que vous ayez abandonné votre blog.
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